Dahir n° 1-95-9 du 22 février 1995 portant promulgation de la loi n° 21-94 relative au statut des journalistes professionnels.
Dahir n° 1-95-9 du 22 ramadan 1415 (22 février 1995) portant promulgation de la loi n° 21-94 relative au statut des journalistes professionnels.
LOUANGE A DIEU SEUL !
(Grand Sceau de Sa Majesté Hassan II)
Que l'on sache par les présentes - puisse Dieu en élever et en fortifier la teneur !
Que Notre Majesté Chérifienne,
Vu la Constitution, notamment son article 26,
A décidé ce qui suit :
Est promulguée et sera publiée au Bulletin officiel, à la suite du présent dahir, la loi n° 21-94 relative au statut des journalistes professionnels, adoptée par la Chambre des représentants le 24 chaâbane 1415 (26 janvier 1995).
Fait à Rabat, le 22 ramadan 1415 (22 février 1995).
Pour contreseing :
Le Premier ministre,
Abdellatif Filali.
Loi n° 21-94 relative au statut des journalistes professionnels
Exposé des motifs
Le contenu de la présente loi s'inspire des idées clairvoyantes exprimées dans le message royal adressé au premier colloque national sur l'information et la communication tenu à Rabat le 29 mars 1993.
Sa Majesté le Roi s'est adressé aux participants au colloque en ces termes :
" ... L'information, aujourd'hui, fait partie des droits du citoyen et par conséquent elle est une partie intégrante des droits des sociétés.
Pour ce faire nous avons oeuvré pour le soutien de la presse nationale, des institutions politiques et des organisations syndicales, convaincus que nous sommes, que la démocratie authentique, doit disposer des moyens nécessaires à son exercice, en premier lieu les moyens d'expression au service de l'intérêt général
Nous poursuivrons au maximum nos efforts pour permettre aux médias de s'acquitter pleinement de leur rôle d'information et faire en sorte que les citoyens puissent jouir de ce droit. L'administration se doit donc de s'ouvrir davantage sur les différents moyens d'information afin qu'elle devienne une source intarissable d'informations qui permettront aux opérateurs de l'information et de la communication de remplir leur mission au sein de la société et de mettre celle-ci en mesure de prendre conscience de l'importance de la responsabilité, de prendre une part effective dans la compréhension des problèmes et dans la recherche de leurs solutions... "
Ainsi se précise l'importance du droit d'accès aux sources d'informations, importance qui donne sa pleine et entière signification au code de la presse de 1958 organisant les libertés.
Sa Majesté le Roi Hassan II confère ainsi une dimension et une profondeur tout à fait nouvelles à la citation de Son père feu Mohammed V : " l'information est sacrée, le commentaire est libre ".
Partant de la ferme conviction que l'information revêt une importance considérable dans la vie de la société moderne, et afin d'être en phase avec les développements que connaît la profession de journalisme au Maroc dans un climat de liberté et de démocratie, la présente loi intervient dans le but de réorganiser la profession de journalisme de façon à répondre aux besoins de la profession, à consolider les acquis et à satisfaire aux attentes.
Il va sans dire que la présente loi vise à assurer le maximum de garanties aux journalistes professionnels afin qu'ils puissent exercer leur profession dans les meilleures conditions et accomplir, en usant des moyens les plus efficaces, leur noble mission dans un espace où leur dignité demeure préservée, leurs droits garantis et leur tâche facilitée.
La force et l'efficacité de la présente loi s'inspirent également de la conformité de ses dispositions avec l'esprit et le texte de la Constitution du Royaume qui garantit la liberté de l'opinion et de l'expression, a qui fait de la liberté et de la responsabilité les fondements de l'exercice de la profession de journaliste et de la consolidation de la pratique démocratique marocaine.
Titre premier : Des journalistes professionnels
Chapitre premier : Définition
Article premier
Le journaliste professionnel est celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession, dans une ou plusieurs publications, quotidiens ou périodiques édités au Maroc, dans une ou plusieurs agences d'information ou dans un ou plusieurs organismes de radiodiffusion, dont le siège principal est situé au Maroc. Ils sont appelés " entreprises de presse " dans la suite du texte.
Article 2
Sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction tels que les rédacteurs-traducteurs, les sténographes-rédacteurs, les reporters-dessinateurs, les reporters-photographes, les reporters-cameramen et leurs collaborateurs, à l'exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n'apportent, à un titre quelconque, qu'une collaboration occasionnelle.
Article 3
La présente loi s'applique aux journalistes et assimilés en fonction dans les services de l'Etat et des établissements publics qui demeurent régis par leur statut particulier.
Article 4
Dans le cadre de l'exercice de sa profession, le journaliste est en droit d'accéder aux sources d'information, dans le respect de la législation en vigueur.
Chapitre II : La carte de presse
Article 5
Peuvent seuls se prévaloir de la qualité de journalistes professionnels ou assimilés, en vue de bénéficier des avantages accordés aux représentants de la presse écrite ou orale par les autorités administratives ou par toute autre personne publique ou privée, les titulaires d'une carte de presse délivrée dans les conditions prévues ci-dessous.
Article 6
Les cartes de presse sont délivrées par l'autorité gouvernementale chargée de l'information après avis d'une commission dite " commission de la carte de presse " comprenant :
a) un représentant de l'autorité gouvernementale chargée de l'information, président ;
b) 4 représentants des organisations syndicales des journalistes professionnels et assimilés ;
c) 4 représentants des entreprises de presse.
Les modalités et conditions de désignation des représentants ainsi que les modalités de fonctionnement de la commission de la carte de presse sont fixées par décret.
Tout rejet de demande de délivrance de la carte de presse doit être motivé et notifié par écrit.
Article 7
La commission de la carte de presse est chargée d'établir les principes sur lesquels doivent être basées les règles de déontologie de la profession.
Article 8
La carte de presse de journaliste professionnel est délivrée à la demande des personnes visées à l'article premier ci-dessus qui exerce leur profession depuis deux ans au moins.
Il est délivré une carte de presse de journaliste stagiaire et à sa demande au postulant qui ne possède pas deux années d'ancienneté dans l'exercice de la profession.
La carte de presse de journaliste assimilé est délivrée à la demande des personnes visées à l'article 2 ci-dessus.
Les modalités de délivrance et de renouvellement des cartes de presse ainsi que leur modèle et durée de validité sont fixées par décret.
Article 9
Il est procédé au retrait de la carte de presse au cas où le journaliste fait l'objet d'une condamnation devenue définitive pour faits contraires à la bonne moralité.
L'autorité gouvernementale chargée de l'information peut procéder au retrait de la carte de presse, après avis de la commission de la carte de presse, en cas de condamnation pour violation du code de la presse ou pour inobservation des règles de déontologie de la profession.
A cet effet, le titulaire de la carte de presse sera convoqué devant la commission par lettre recommandée avec accusé de réception pour présenter ses observations. Il peut se faire assister d'un conseil ou faire parvenir à la commission des explications écrites en cas de non-comparution. La décision de la commission est notifiée à l'intéressé par écrit.
Article 10
Dans le cas où le titulaire de la carte de presse cesse définitivement d'être occupé dans une entreprise de presse, l'organisme concerné doit en informer l'autorité gouvernementale chargée de l'information qui peut, soit procéder à la modification de la carte en tenant compte de la nouvelle situation de son titulaire, soit engager, s'il y a lieu, la procédure de retrait décrite à l'article 9 ci-dessus.
Article 11
Quiconque a sciemment fait une déclaration inexacte en vue d'obtenir la carte de presse, ou qui a fait usage d'une carte périmée ou annulée, ou qui se serait attribué dans un but intéressé la qualité de journaliste professionnel ou assimilé sans être pourvu de la carte de presse, ou qui aurait délivré sciemment des attestations inexactes ou des cartes présentant une ressemblance de nature à prêter à confusion avec les cartes de presse prévues par la présente loi, encourt les peines prévues par le code pénal en matière de faux et usage de faux.
Est passible des mêmes peines le directeur d'une entreprise de presse qui remet des cartes présentant des ressemblances avec celles délivrées conformément aux dispositions de la présente loi.
Chapitre III : Dispositions particulières au travail des journalistes professionnels
Article 12
Les dispositions de la législation du travail et de la couverture sociale et médicale sont applicables aux journalistes professionnels en ce qu'elles ne sont pas contraires aux statuts applicables à ceux exerçant dans les établissements publics et à celles du présent chapitre.
Article 13
En cas de résiliation d'un contrat de travail à durée indéterminée, liant un journaliste professionnel ou assimilé à une ou plusieurs entreprises de presse, la durée de préavis est, pour les deux parties contractantes, d'un mois si la durée de l'exécution du contrat n'a pas été supérieure à trois ans, et de trois mois si le contrat a été exécuté pendant plus de trois ans.
Article 14
Si le licenciement provient du fait de l'employeur, une indemnité est due. Celle-ci ne peut être inférieure à la somme représentant par année ou fraction d'année de travail deux mois des derniers appointements.
Lorsque la durée de service excède cinq années, les parties peuvent avoir recours à une commission arbitrale en vue de déterminer l'indemnité due. Cette commission est composée de cinq membres dont deux directeurs d'entreprises de presse, et deux journalistes titulaires de la carte de presse. L'un des arbitres employeurs et l'un des arbitres salariés sont désignés respectivement par les parties en cause, les deux autres arbitres sont désignés par l'autorité gouvernementale chargée de l'information. La commission est présidée par un magistrat. En cas de fautes graves ou de fautes répétées du journaliste professionnel ou assimilé, la commission précitée peut procéder soit à la réduction de l'indemnité, soit à sa suppression.
La commission prononce sa décision dans un délai de trois mois. Ladite décision est obligatoire et est rendue exécutoire conformément aux dispositions du code de procédure civile.
Article 15
Les dispositions de l'article précédent sont applicables dans le cas où la résiliation du contrat provient du fait d'un journaliste professionnel ou assimilé, lorsque cette résiliation est motivée par l'une des circonstances suivantes :
1) Cession de l'entreprise de presse ;
2) Cessation de la publication du quotidien ou périodique, fermeture de l'agence d'information ou de l'entreprise de radiodiffusion pour quelque cause que ce soit ;
3) Changement notable dans le caractère de l'entreprise de presse, si ce changement crée pour le journaliste une situation de nature à porter atteinte à ses intérêts moraux ou à ses convictions.
Dans ces cas, la personne qui rompt le contrat n'est point tenue d'observer la durée du préavis fixée à l'article 13 ci-dessus.
Article 16
Tout travail non prévu expressément dans le contrat de travail conclu entre une entreprise de presse et un journaliste professionnel ou assimilé implique une rémunération spéciale.
Tout travail commandé par l'une des entreprises de presse et non publié ou diffusé doit être rémunéré.
Article 17
Les directeurs des entreprises de presse sont tenus d'accorder aux journalistes professionnels ou assimilés le repos hebdomadaire qui peut être soit donné par roulement soit compensé, et ce conformément aux dispositions législatives en vigueur.
Les directeurs des entreprises de presse peuvent attribuer les jours fériés légaux par roulement selon les besoins du travail ou bien les compenser conformément aux dispositions du code de travail.
Les journalistes professionnels et assimilés bénéficient à tour de rôle d'un congé annuel payé de 30 jours durant les cinq premières années de service. Au-delà de cette période, le congé est porté à 45 jours.
Article 18
Sont nulles et de nul effet, toutes conventions contraires aux dispositions des articles 13 à 17 de la présente loi, sous réserve de celles accordant des avantages aux journalistes.
Titre II : Les journalistes professionnels accrédités au Maroc
Article 19
Le journaliste professionnel accrédité au Maroc est le correspondant d'une ou plusieurs entreprises de presse dont le siège principal se trouve à l'étranger, et ayant pour occupation principale, régulière et rétribuée, l'exercice de sa profession.
Article 20
Sont assimilés aux journalistes professionnels accrédités les reporters-photographes, les reporters-caméramen et leurs assistants.
Article 21
Il est institué pour les personnes visées à l'article 19 ci-dessus une carte de journaliste professionnel accrédité, et pour celles énumérées à l'article 20, une carte de journaliste assimilé accrédité.
Ces cartes sont délivrées par l'administration.
Article 22
Les journalistes professionnels et assimilés accrédités sont tenus d'exercer leur profession dans le cadre du respect de la souveraineté nationale, de la déontologie de la profession et de la législation en vigueur.
En cas de non-respect des dispositions de l'alinéa précédent, il sera procédé au retrait de la carte de journaliste par l'administration.
Titre III : Dispositions diverses
Article 23
Est abrogé le dahir du 1er rabii II 1361 (18 avril 1942) formant statut des journalistes professionnels, tel qu'il a été modifié et complété.