Rapport de la HACA sur la couverture de la loi de finances 2014 par les médias audiovisuels
Rapport de la HACA sur la couverture de la loi de finances 2014 par les médias audiovisuels
L'examen, la discussion et le vote de la loi de finances constituent un moment chargé de symbolisme dans l’agenda politique annuel d’une démocratie. C’est aussi le temps le plus fort de l'activité de contrôle du Parlement sur les politiques publiques et leur financement. Les débats organisés et/ou couverts par les médias, particulièrement publics, autour du projet de loi de finances sont censés refléter le pluralisme des courants de pensée et d’opinion qui caractérisent toute société démocratique et informer le citoyen sur les principaux enjeux de cette loi quant au présent et à l’avenir du pays. Une loi qui renseigne aussi sur les choix stratégiques d’un gouvernement.
C’est cette couverture du processus de discussion et d’adoption de la loi de finances, par les télévisions et les radios, que la HACA s’est proposée de décrire et d’analyser sur la base des articles 28 et 165 de la Constitution et des dispositions des cahiers des charges, particulièrement des opérateurs publics, qui lui confient la mission de veiller au respect de l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion, d’assurer une information sur les actualités préoccupant l’opinion publique et sur leurs développements ultérieurs et d’offrir des éléments d’explication et d’analyse permettant aux citoyennes et aux citoyens d’exercer leur droit de contrôle sur les affaires publiques.
Précisons d’abord que la loi de finances prévoit, énonce et autorise, pour chaque année budgétaire, l'ensemble des ressources et des charges de l'Etat, dans les limites d'un équilibre économique et financier qu'elle définit. La procédure d'élaboration d’un projet de loi de finances est régie par des textes et des pratiques conçus pour permettre l'adoption du budget dans les délais requis, tout en le mettant à l'abri d'amendements qui, par l'augmentation des charges de l'?tat ou la minoration des recettes, risqueraient d'affecter trop substantiellement l'équilibre budgétaire tel qu'il est proposé par le gouvernement sur la base des hypothèses économiques qu'il a retenues pour l'élaboration de son projet.
Eléments méthodologiques
La méthodologie suivie pour l’élaboration de ce rapport est d’ordre quantitatif et descriptif.
Ce rapport porte aussi sur la couverture médiatique de la loi de finances par :
les médias audiovisuels qui ont consacré au moins un quart d’heure (15 minutes) dans leurs journaux d’information, à ce sujet, pendant la période du rapport, soit treize médias[1] ;
les médias audiovisuels qui ont consacré au moins une demi-heure (30 minutes) dans leurs magazines de débat et d’information, à ce sujet, pendant la période du rapport, soit neuf (9) médias[2].
La période du rapport s’étend de la présentation du Projet[3], par le ministre de l’Economie et des Finances, devant le Parlement, le 23 octobre 2013 jusqu’au vote d’adoption définitive par la Chambre des Représentants, le 31 décembre 2013, soit 70 jours.
Par ailleurs, le rapport se décline en deux volets.
Le premier volet concerne les données quantitatives de la couverture (volumes horaires d’interventions, catégories des intervenants et leur nombre) aussi bien dans les journaux d’information des 13 médias audiovisuels qui ont consacré au moins un quart d’heure à la couverture du Projet ; que dans les Magazines[4] des 9 médias audiovisuels qui ont consacré au moins une demi-heure à la couverture du Projet.
Le second volet concerne le traitement médiatique du Projet dans les journaux d’information et les Magazines sur les quatre télévisions publiques généralistes (TV Al Oula, TV 2M, Médi 1 TV[5], TV Tamazight). Ce volet porte essentiellement sur les thématiques, lesquels sont analysées à l’aide d’une grille d’analyse.
Le rapport a été très attentif, dans les deux volets du rapport, à la question de la présence des femmes. Dans le premier volet, le focus a été centré sur les données quantitatives des interventions féminines (volumes horaires, nombre). Dans le second volet, l’approche est plus qualitative (institutions d’appartenance, domaines de compétence, sujets d’interventions), sans omettre complètement l’aspect quantitatif.
L’accent a également été mis sur la présence de l’approche genre dans la couverture médiatique des quatre media télévisuels et si « le Rapport sur le budget genre » accompagnant le projet de loi de finances 2014 a été évoqué dans les journaux et les magazines consacrés à ce projet.
Le rapport est construit autour de la comptabilisation du temps de parole[6] et du temps d’antenne[7]. Il porte sur toutes les interventions de tous les intervenants, y compris celles des experts, des analystes économiques et des citoyens anonymes.
Le focus a été particulièrement mis sur les thématiques abordées par les intervenants et les genres journalistiques utilisés (reportage, interview, enquête…).
Les limites du rapport
Les interventions faites dans le cadre de la retransmission de la présentation de la loi de finances devant le Parlement et lors des séances plénières des deux chambres du Parlement, consacrées à sa discussion, ne sont pas comptabilisées dans ce rapport.
La raison de cette neutralisation revient au fait qu’il s’agit d’une simple mise à disposition de l’antenne de médias audiovisuels publics, limitativement cités dans l’article 10 du cahier des charges de la SNRT (TV Al Oula, TV Tamazight, Radio Nationale et Radio Amazighe) au profit du Parlement. La SNRT n’a aucune maîtrise d’antenne sur ces retransmissions et ne dispose d’aucune liberté éditoriale en la matière. Seules sont donc comptabilisées les interventions faites dans le cadre des programmes diffusés à l’initiative des opérateurs : journaux, magazines et autres émissions spéciales.
Les constats relevés
La couverture médiatique de la discussion du Projet n’a pas dépassé les 46 heures, soit moins de 3% du volume horaire global des journaux et des Magazines durant la période de ce rapport.
Ainsi, les médias audiovisuels, publics (26:34:15) et privés (13:30:39), ont consacré moins de 40 minutes par jour, au cours des 70 jours du rapport, au sujet du Projet. La part des médias audiovisuels publics a représenté 58% de l’ensemble de cette couverture. Néanmoins, tous médias confondus, Radio Atlantic a consacré le volume horaire le plus élevé à ce sujet (06:46:42).
Les constats du volet descriptif et quantitatif
1) Dans les magazines de débat et autres magazines d’information
Quatre observations peuvent être retenues.
Le volume horaire global sur les neuf médias audiovisuels qui ont consacré au moins une demi-heure à la couverture du Projet, a atteint 22:11:24, dont près de la moitié a été réalisée par trois médias : Radio Luxe, TV Al Oula et la Radio Nationale.
Il a été relevé que la parole a été principalement accordée aux personnalités politiques (membres du gouvernement et des partis politiques) et dans une moindre mesure aux syndicalistes, aux opérateurs économiques et aux chercheurs et professeurs universitaires.
Sur la participation des partis politiques, on peut faire trois constats : l’opposition parlementaire était fortement présente dans le débat sur le Projet ; celui-ci a eu lieu principalement entre la majorité et l’opposition parlementaires ; enfin, les partis non représentés au Parlement étaient absents du débat.
La présence des personnalités publiques féminines a connu une sensible augmentation comparativement à l’année précédente (lors de la discussion du Projet 2013). Elle a ainsi atteint environ 20% du temps global des interventions. Cette présence s’est élevée à 38,98% sur la Radio Nationale.
2) Dans les journaux d’information
Trois observations peuvent être faites.
Le volume horaire global sur les treize médias audiovisuels, qui ont consacré au moins un quart d’heure à la couverture du Projet, a atteint 20:40:06. Par institutions d’appartenance, la répartition s’est ainsi faite: 06:13:54 pour les acteurs politiques, 00:44:09 pour les intervenants des organisations professionnelles, 00:25:55 pour les syndicalistes et 01:11:21 pour les autres intervenants (experts et autres analystes).
Les partis de l’opposition parlementaire ont bénéficié d’un volume horaire de 02:22:52 contre 01:51:18 pour les partis de la majorité parlementaire.
La part des personnalités publiques féminines a atteint les 8,83%. Elle s’est élevée à 19,43% sur TV 2M.
Les constats du volet thématique
Cette seconde partie porte sur le traitement médiatique du débat sur le Projet, par quatre télévisions publiques généralistes (TV Al Oula, TV 2M, Médi 1 TV et TV Tamazight), à la fois dans les journaux et dans les Magazines. Ce traitement est fait sur la base d’une grille d’analyse (insérée en annexe du rapport).
1) Dans les magazines de débat et autres magazines d’information
Les quatre télévisions publiques n’ont dédié à ce sujet que 23 éditions sur les 76 éditions de leurs neuf Magazines[8] durant les 70 jours de la période du rapport.
Il est significatif de relever que les deux magazines qui ont principalement couvert le débat sur le Projet furent les magazines dédiés à l’actualité parlementaire : « Chou’oune Barlamania » sur TV Al Oula (6 éditions sur 9) et « Majallat Al Barlamane » sur TV 2M (8 éditions sur 10).
Pour ce qui est des magazines phares des télévisions publiques, seuls « Kadaya wa Arae» sur TV Al Oula, «Tarik Al Mouwatana » sur TV Tamazight, et «Milafoun Li Nikach» sur Médi 1 TV, ont consacré une édition intégralement au sujet du Projet.
Il est tout aussi significatif de remarquer que les pics de couverture (en volume horaire) ont coïncidé avec les principales étapes de la discussion du Projet : adoption du Projet en conseil de gouvernement, puis en conseil des ministres ; dépôt au bureau de la Chambre des Représentants ; présentation devant les deux chambres réunies du Parlement par le ministre de l’Economie et des Finances ; discussion et vote des budgets sectoriels en commissions ; discussion et vote de la première partie par la Chambre des Représentants, puis discussion et vote de la deuxième partie par la même chambre ; dépôt du Projet au bureau de la Chambre des Conseillers… Et enfin, deuxième lecture à la Chambre des Représentants et vote définitif.
Les quatre télévisions publiques ont mis l’accent, dans leur couverture, sur deux thématiques, particulièrement débattues par les députés lors des débats en commissions et en séances plénières, à savoir la proposition d’augmentation de la TVA et celle de la re-fiscalisation de l’agriculture (impôt sur les sociétés agricoles).
Par ailleurs, sur les 57 personnalités publiques ayant bénéficié d’un temps de parole, dans les Magazines, sur le sujet du Projet, 51 étaient des parlementaires. Quant aux experts, analystes économiques et enseignants-chercheurs, ils ont été quasiment absents, en tant qu’invités principaux.
Pour ce qui est de l’approche genre, on peut affirmer qu’elle était absente. Les magazines d’information n’ont, à aucun moment, fait référence au «Rapport sur le Budget genre», ni aux implications du projet sur les conditions de la femme.
En termes de présence, il y a eu neuf personnalités publiques féminines qui ont bénéficié d’un temps de parole, dont six invitées aux plateaux de «Chou’oune Barlamania» et de «Majallat Al Barlamane», contre 34 personnalités publiques masculines. En outre, dans les reportages, elles furent 5 femmes à avoir pris la parole, contre 33 hommes.
Quant à la dimension régionale du Projet (retombées du Projet sur chacune des 16 régions du Royaume), elle fut également absente, que ce soit dans les interventions des différents acteurs ou dans le traitement médiatique fait par les quatre télévisions publiques, à l’exception notable d’un unique reportage relatif à Immouzer El Kandar (région de Sefrou) sur TV Tamazight.
2) Dans les journaux d’information
230 « informations » relatives aux débats sur le Projet ont été dénombrées, dont une centaine de rediffusions. C’est pourquoi le corpus retenu ne compte que 132 «informations» en diffusion initiale.
Il faut observer que plus de la moitié de ces 132 « informations » ont été de simples brèves lues par les journalistes-présentateurs. En fin de compte, il n’y a eu que 16 reportages ayant un contenu thématique relatif aux mesures et dispositions du Projet. Sur ces derniers, neuf ont été diffusés par Médi 1 TV.
Par ailleurs, seuls 12 reportages ont été consacrés à la simplification et à l’explication pédagogique des mesures contenues dans le Projet, par le biais de déclarations et surtout par des animations infographiques sur Médi 1 TV.
Quant aux interventions au sein des reportages, ils ont été le fait, à plus de 70%, de députés ou de conseillers.
Les télévisions publiques généralistes ont veillé, dans leurs reportages, au respect de l’équilibre des points de vue entre le gouvernement et la majorité parlementaire d’une part et l’opposition parlementaire d’autre part. Elles ont également recherché l’équilibre entre la majorité et l’opposition parlementaires.
En termes de présence des personnalités publiques féminines, le taux de féminisation n’a pas dépassé les 10%. Pour le «Rapport sur le Budget genre» ainsi que les répercussions du projet sur les conditions de la femme, ils ont été totalement absents.
Conclusions générales du rapport
La couverture médiatique du Projet, par les quatre télévisions publiques généralistes, dans leurs journaux et les Magazines, est demeurée liée aux différentes étapes de la procédure législative d’adoption de la loi de finances.
Aussi bien dans les journaux que dans les Magazines, la couverture médiatique a largement favorisé la parole des élus, au détriment de la parole de tous les autres acteurs (professionnels, syndicalistes, responsables associatifs, experts et analystes économiques, enseignants-chercheurs, citoyens anonymes).
Le traitement thématique fut limité, que ce soit dans les journaux ou dans les Magazines. Alors que les thèmes de la réforme du système fiscal, de l’augmentation de la TVA, de la refiscalisation de l’agriculture, de la réforme de la caisse de compensation, de la réforme des caisses de retraite, ou de la crise des systèmes de santé et d’éducation-formation étaient très vivement discutés, la couverture médiatique des quatre télévisions publiques généralistes n’a évoqué ces thématiques controversées que lorsqu’ils étaient débattues en commissions parlementaires.
Tout comme pour le volet descriptif et quantitatif de ce rapport, l’approche genre était absente du volet thématique. En termes de présence des femmes par rapport aux hommes, 19 personnalités publiques féminines ont bénéficié d’un temps de parole contre 97 personnalités publiques masculines, ce qui représente près de 20% de l’ensemble des intervenants.
La dimension régionale a été absente dans la couverture du Projet, à l’exception notable d’un reportage au sein de l’émission «Tarikou Al Mouwatana» sur TV Tamazight.
La couverture médiatique du Projet, aussi bien dans les journaux d’information que dans les Magazines, et dans les deux parties du rapport, n’a pas proposé de vulgarisation, ou présentation pédagogique du Projet en termes d’évolution des politiques publiques et de retombées économiques et sociaux sur la vie quotidienne du citoyen.
Téléchargement :
Rapport sur la couverture du projet de la loi de finances pour l’année 2014 par les media audiovisuels
Annexes du rapport
[1] TV Al Oula, TV 2M, Médi 1 TV, TV Tamazight, TV Al Maghrebiya, la Radio Nationale, la Radio Amazighe, Radio Chaîne Inter, Radio Atlantic, Radio Aswat, Radio Chada FM, Radio Casa MFM et Radio Plus Casa.
[2] TV Al Oula, TV 2M, Médi 1 TV, TV Tamazight, la Radio Nationale, la Radio Amazighe, Radio Atlantic, Radio Luxe, Radio Casa MFM.
[3] Dans l’ensemble de ce document, nous utiliserons le terme « Projet » avec une majuscule, et nous entendons par là le « projet de loi de finances 2014 ».
[4] Dans l’ensemble de ce document, nous utiliserons le terme « Magazines » avec une majuscule, et nous entendons par là les « les magazines de débat et d’information ».
[5] Cette télévision était encore publique pendant la période de l’étude.
[6] Le temps de parole est le temps pendant lequel s’exprime un intervenant.
[7] Le temps d’antenne est constitué de la totalité du temps consacré sur une télévision ou une radio à un sujet donné, quelles qu’en soient les modalités de déroulement et de déclinaison.
[8] TV Al Oula (« Chou’oune Barlamania », « Kadaya wa Arae » et « Dayfou Al Ahad »), TV 2M (« Majallat Al Barlamane » et « Moubacharatan Maâkom ») Médi 1 TV (« Mouwaten Al Yaoum », « Milafoun Li Nikach » et « 90 pour convaincre ») et TV Tamazight (« Tarikou Al Mouwatana » et « Acha’n Al Mahalli »).