MISSION D’INFORMATION AUPRES DU REGULATEUR ET DES MEDIA CANADIENS
Du 9 au 12 mars, un ensemble de rencontres a été organisé avec des responsables d’intervenants dans le secteur des media audiovisuels dans la Province du Québec et à Ottawa, capitale fédérale du Canada. Ces rencontres, tenues par MM. Le Directeur Général de la DGCA et le Directeur Général Adjoint, ont eu lieu avec : le CRTC : régulateur fédéral de la radiodiffusion (radio, Télévision et Télécommunications) ;ICI RADIO-CANADA, l’opérateur public de radio et de télévision sur le territoire Canadien (33 millions d’habitants) ;Télé-Québec,l’opérateur public de télévision régionale de la Province du Québec (7 millions d’habitants) ;QUEBECOR,grand groupe de media privé ;COGECO,grand opérateur radiophonique privé ;PRODUCTIONS iVISION inc.,société de production ; leRéseau Orbicom/UNESCOdes Chaires en communications à l’université UQAM.
Ces rencontres ont permis d’avoir des éclairages circonstanciés et de contexte sur nombre de questions structurantes auxquelles le paysage communicationnel canadien est confronté à la veille de grandes réformes législatives et réglementaires annoncées pour l’automne prochain.
C’est ainsi que ce paysage, historiquement et organiquement lié et géré par le législateur comme par ses acteurs opérationnels en fonction du fort poids et de la rude concurrence de son géant voisin (USA), est interpellé pour de nouvelles approches et mesures concernant au moins : le service public, la structure du marché, la régulation, l’autorégulation, le financement des opérateurs, la télédiffusion, la production audiovisuelle nationale et provinciale (dix provinces et trois territoires fédéraux), la publicité, la convergence et l’Internet, l’archivage AV…
La régulation : la régulation est une attribution du gouvernement fédéral qui l’exerce à travers le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes). Néanmoins, elle est partagée, d’une part, avec le Bureau de la concurrence, qui relève lui aussi du gouvernement fédéral, concernant les volets de la libre concurrence et, d’autre part, avec Industrie Canada, qui est le ministère de l’industrie et du commerce. Le CRTC octroie les licences par fréquence, l’assignation des fréquences ne relevant pas de ses compétences. Mais il veille au respect de ses conditions par l’opérateur. Les licences sont octroyées pour une durée allant d’un à cinq ans, renouvelable par décision du CRTC, sur la base du constat du respect ou non des obligations édictées par la licence. Il arrive que le CRTC ne renouvelle pas des licences au terme de la 1re année. Cependant, tous les opérateurs, publics et privés, sont tenus de faire un reporting périodique au CRTC sur le respect des obligations de programmation. D’ailleurs, ce dernier semble très vigilant sur le respect de la vocation, dont la modification devra faire l‘objet d’une procédure semblable à celle de l’octroi de la licence. A noter que ICI Radio Canada (créée en 1936, les premières diffusions télévisuelles datant de 1952) dispose, en son siège, d’un système de suivi systématique de tous les programmes de ses stations à travers le pays, un système commandé à une entreprise privée étrangère (pour 50 millions d’euros).
L’autorégulation : l’autorégulation est assurée par le CCNR (Conseil canadien des normes de radiotélévision), qui est une organisation non gouvernementale créée par l’association des opérateurs. Pour les opérateurs privés, il est l’équivalent de l’ombudsman. Il reçoit les plaintes de la part des usagers et peut décider même des sanctions disciplinaires et pécuniaires à l’encontre d’une radio ou d’une télévision privée, alors que l’ensemble de ses membres sont les opérateurs.
Le service public :l’opérateur public est soumis au régime de licence au même titre que les opérateurs privés. La licence est octroyée par le CRTC et renouvelable périodiquement à l’issue d’une audition publique à l’occasion de laquelle les dirigeants de l’opérateur sont interpellés sur l’exécution des missions de service public qui lui sont imparties par les termes de la licence. Néanmoins, sur la base des termes de la licence, l’opérateur négocie les subventions budgétaires avec le gouvernement.
Concernant les missions, l’opérateur public n’est soumis à aucun encadrement particulier du pluralisme et de la diversité par le régulateur. Il s’agit d’une question qui relève de la liberté éditoriale. ICI RADIO-CANADA est libre d’en fixer une stratégie et des règles d’observations internes. Néanmoins, il fait un rapport annuel au régulateur sur les mesures et les résultats d’observation de la diversité. Le régulateur apprécie les résultats à la lumière de ladite stratégie et des pratiques du secteur. Egalement, ICI RADIO-CANADA fait un rapport à son conseil d’administration à la fin de chaque élection, dans le pays, sur le traitement qu’il a assuré au pluralisme électoral. Ce rapport n’est pas adressé au régulateur. Le cas échéant, la gestion du pluralisme se base sur les voix et les sièges obtenus historiquement par les partis, ainsi que sur les sondages d’opinion.
D’un autre côté, un ombudsman siège auprès du président de ICI RADIO-CANADA, en sa qualité d’opérateur public. En conséquence, le régulateur ne traite pas les plaintes des usagers sur le contenu, mission dévolue à l’Ombudsman.
La structure du marché : le marché canadien des media est organisé selon une concentration verticale qui fait que les media, quels qu’en soient la nature et le support, sont détenus par des groupes de télécoms. Ainsi, des câblodistributeurs détiennent les réseaux de télécommunications, des titres de la presse écrite, de la presse web, des radios, des télévisions…Par ailleurs, le marché canadien est très connecté à celui des USA, aussi bien sur le plan contenu que publicité, à tel point que la loi sur les télécommunications encadre ce qui est appelé « la substitution simultanée » entre les opérateurs US et ceux canadiens, c’est-à-dire une diffusion ponctuelle et simultanée de programmes (match, série…) entre deux opérateurs relevant chacun d’une juridiction différente, canadienne ou américaine…Il reste que l’avenir du marché canadien est en passe d’être sérieusement bouleversé par l’apparition de joueurs inédits : le cas de Netflix qui avance inexorablement parmi les consommateurs.
Le financement des opérateurs : Exception faite de la subvention gouvernementale au profit de l’opérateur public, tous les opérateurs sont soumis au même encadrement d’accès à la publicité. En fait, le recours à la publicité n’est soumis à aucune règle, encore moins à une restriction. Ainsi, ni la loi, ni la licence n’imposent de durées maximales ou de conditions d’insertion des spots publicitaires, encore moins des plafonds sur le chiffre d’affaires avec un annonceur.
La télédiffusion. Au Canada, il n’existe pas d’opérateurs de télédiffusion. Cette situation s’explique d’abord par la concentration verticale du marché qui fait que chaque opérateur s’adosse à un groupe opérant dans les télécoms, puis par la volonté des opérateurs d’avoir la maîtrise sur l’outil de diffusion des services qu’ils éditent et enfin par la tendance progressive vers la diffusion complète sur Internet, particulièrement pour les services radiophoniques.
Sur ce dernier point, en réponse à la consultation des professionnels organisée par le CRTC, ceux-ci ont manifesté leur refus de passer à la RNT (radio numérique terrestre) et leur souhait de passer directement à la diffusion sur Internet, qui est déjà largement répandue. Cette position s’explique par des raisons d’efficacité économique et médiatique évidentes, dont le coût de la transition, la dépendance vis-à-vis des industriels, surtout US, et les limites de la FM par rapport à Internet eu égard à l’évolution des habitudes de consommation des médias par les citoyens canadiens, en premier lieu la mobilité. D’ailleurs, sur la base de la durée de vie du parc auto au Canada (15 ans), les opérateurs estiment inutile et handicapant d’entreprendre des investissements lourds requis par la transition à la RNT et plus intelligent de généraliser le Wifi et d’inciter les constructeurs automobile à généraliser l’équipement des nouveaux véhicules en récepteurs Internet, déjà présents sur le marché. D’ailleurs, les opérateurs radio ont commencé à développer les applications mobiles qui semblent connaître un grand succès auprès de leur public. Il est à noter que l’utilisation des fréquences par les radiodiffuseurs est gratuite au Canada et ne donne lieu au paiement d’aucune redevance. Aux USA, le régulateur fédéral a opté pour la transition vers la RNT, sous la pression des industriels des équipements.
La production audiovisuelle canadienne
Elle souffre de la forte dominance du contenu américain et la prédominance de la logique du marché dans la réglementation de la radiodiffusion. Il semble qu’une production nationale revient à 10 fois plus chère que les contenus équivalents acquis sur le marché international. Néanmoins, l’industrie de la production audiovisuelle est subventionnée par le gouvernement à travers un fonds alimenté en partie par une taxe mise à la charge des câblodistributeurs s’élevant à 5% de leur chiffre d’affaires. Cette subvention est orientée exclusivement au profit des producteurs indépendants, ce qui explique le désengagement progressif même des opérateurs publics de la production, au point que 100% de la production de Télé-Québec, par exemple, est sous-traitée à des producteurs indépendants. Cette subvention n’est pas versée directement aux opérateurs, mais destinée à financer des projets présentés par eux. Toutefois, les programmes de téléréalité sont exclus du bénéfice de la subvention. Or, ce type de programmes est fort prisé par le public.