Le directeur général de la HACA appelle à la convergence des médias traditionnels marocains pour bien négocier le virage de la révolution numérique
Paris, 28 févr. 2013 (MAP) - Le directeur général de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), Jamal Eddine Naji, a appelé les médias traditionnels marocains à s'engager dans le pari de la convergence, afin de faire face aux défis imposés par les récentes mutations dans les technologies de l'information et de la communication.
Dans un entretien à la MAP en marge de sa participation à la réunion de suivi du Sommet mondial de la société de l'information (SMSI+10) qui s'est tenue du 25 au 27 février au siège de l'Unesco à Paris, il a plaidé pour une "stratégie globale" dont le mot clé est de "réussir la convergence" des écrans et des contenus, en proposant "une offre volontariste tournée vers l'avenir".
M. Naji, qui représentait à cette réunion le réseau Unesco/Orbicom, regroupant plus de 300 chercheurs dans la communication issus de 30 pays, a donné l'exemple de l'évolution des pratiques médiatiques aux Etats-Unis où 70 pc des téléspectateurs regardent la télévision via Internet et autant interagissent avec un deuxième écran (tablettes et Smartphones).
Aux réticents qui prétexteraient du manque de moyens ou de ressources humaines, M. Naji rétorque qu'il s'agit-là d'une "mine" d'emplois nouveaux et de produits qui peuvent rapporter de l'argent. Car, selon lui, la convergence est "intrinsèque" à l'outil même, quel que soit le contexte. "On peut la réaliser avec peu de moyens comme avec des milliards", explique-il.
A ceux qui pourraient arguer du manque de préparation du public marocain à ces pratiques, M. Naji estime qu'il ne faudrait pas "mépriser" les Marocains et leur capacité à interagir avec deux ou trois écrans. "Nous avons une population jeune née avec Internet qui adémontré par les chiffres qu'elle est dans la média-sphère, active...".
Il a, ainsi, souhaité que les médias du service public donnent l'exemple en s'engageant dans cette mission. "Seul le service public peut le faire au Maroc", du moment qu'il n'est "pas censé faire du profit", mais à condition de "tirer la société vers le haut", soutient-il.
Dans un contexte marqué par l'émergence de nouveaux acteurs tournés vers le Web 2.0: médias associatifs, blogs multimédias, réseaux sociaux..., cet ancien professeur de l'Institut supérieur de l'information et de la communication (ISIC) estime que la menace pour les médias traditionnels viendrait plutôt de leur manque de volonté d'être volontaristes et aller de l'avant.
Il a évoqué le cas de la presse écrite en France et aux Etats-Unis, par exemple, montrant comment les journaux qui ne voulaient pas faire une édition électronique ont cessé d'exister, et comment un organe comme le New York Times a parié exclusivement sur l'offre électronique.
S'agissant, par ailleurs, des nouveaux médias et leur évolution dans le paysage national, M. Naji a remarqué que la spécificité, voire "la chance", de ces acteurs est leur lien avec la société civile.
Ils "doivent rester très liés à la société civile, notamment celle travaillant sur les droits de l'homme et le droit au développement". C'est cela qui va leur "donner les repères pour pouvoir faire de la qualité et servir la collectivité", note-t-il.
Revenant sur l'évolution des TIC dix ans après le SMSI de Genève et de Tunis et les perspectives de l'après 2015, M. Naji a dit partager les constats des rapports publiés à l'occasion du SMSI+10 et les débats qui ont marqué cette réunion, selon lesquels le rêve de 2003 a été "pratiquement réalisé" puisque la question de la fracture numérique "n'est plus tellement pertinente".
Toutefois, relève-t-il, si la société du savoir a maintenant plus de chances de se réaliser grâce à la dissémination des outils, des politiques publiques et à l'apport du privé (télécom, accès au cellulaire), cela soulève d'autres questions plus profondes qu'on n'a pas pu aborder en 2003, à savoir "les contenus, leur appropriation, leur qualité, leur adaptation, leur richesse, la diversité linguistique et la promotion du développement".
A cet égard, le DG de la HACA s'est félicité de l'adoption mercredi, dans la déclaration finale de ce Sommet, d'une recommandation appelant les parties prenantes à "respecter la liberté d'expression, telle que définie à l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le pluralisme des médias, le multilinguisme, l'égalité d'accès à l'éducation, à la science et à la technologie et les expressions artistiques et culturelles, qui demeurent essentiels pour progresser vers des sociétés du savoir inclusives, ainsi qu'une diversité culturelle renforcée".
L'intérêt de cette recommandation est qu'elle confirme que "la liberté d'expression hors ligne s'applique en ligne", a-t-il indiqué, soulignant que cette disposition de l'article 19 couvre désormais d'une manière sans équivoque les médias en ligne.
Les recommandations de la SMSI+10 seront soumises à l'approbation de l'Assemblée générale des Nations-Unies qui devra les traduire en 2014 en résolutions devant déterminer les actions à suivre après 2015).