Plus de 300 journalistes francophones débattent à Conakry du « journalisme, investigation et transparence »
Quelques 320 journalistes, décideurs médias et experts, venus de 48 pays, majoritairement africains, se sont réunis dans la capitale guinéenne, Conakry, dans le cadre des « 46èmes assises » de l’Union de la Presse Francophone (UPF) organisées du 20 au 25 novembre sous un thème, voulu par les organisateurs comme une triple interpellation décisive pour l’avenir : « Journalisme, investigation et transparence ».
Ouvertes par des membres du gouvernement guinéen, dont le ministre de la justice, et clôturées par un discours du chef de l’?tat, Pr. Alpha Condé (Président en exercice de l’Union Africaine), ces assises ont offert des tribunes à des experts conférenciers, des tables rondes et ateliers thématiques auxquels ont participé nombre de professionnels marocains, membres de la section Maroc de l’UPF. Ainsi que Pr. Jamal Eddine Naji, Directeur Général de la Haca qui, invité à titre d’expert en journalisme et éthique des médias, a choisi d’aborder le thème générique de ce forum par une autre interpellation à trois composantes : « Citoyenneté et journalisme face à l’E. Citoyen ou citoyen hyper-connecté ».
Estimant que le Web 2.0, apparu en 2004, est désormais « de la préhistoire ou le 1er âge » de l’Homme dit « augmenté », hyper-connecté à l’échelle du globe, M. Naji a énuméré nombre de nouvelles réalités de la médiasphère en marche en ce siècle et qui, progressivement, voire irrémédiablement, participent à la « dénaturation de la profession de la vérité : le journalisme » … « Une écosphère de l’information déstructurée, des extensions tentaculaires d’avatars technologiques qui, paradoxalement à leurs miraculeux apports à la liberté d’expression, pervertissent néanmoins les TIC ». Avec l’intrusion de l’E. Citoyen/androïde/nomade/citoyen du monde, n’assistons-nous pas à un « bug humain » (« bug de l’humanisme ») qui menace les valeurs humaines essentielles, Droits de la personne en tête, s’interroge-t-il ensuite, en faisant référence au « bug informatique » annoncé en l’an 2000 et qui n’a pas eu lieu. Dans ce qu’on doit appeler désormais un « écosystème médiatique de dévoiement du journalisme », poursuit-il, on assiste à l’émergence d’un véritable « 6ème continent » qui risque d’envahir les cinq avec toutes leurs populations humaines, continent composé de réseaux sociaux, des GAFA et consorts, au profit d’un hégémonisme mercantile et opaque (nulle transparence financière) et qui, en plus, pratique un siphonage systématique des mémoires, des cultures et des histoires des peuples, par l’arme de l’algorithme… Continent dans lequel prolifèrent la désinformation, les « fake news », le « dark advertising » (notamment politique), les « usines de Trolls » et qui permet aux GAFA d’inféoder, voire de vassaliser, ?tats et gouvernements… Un écosystème bâti sur des sources de déficits et falsifications, de déstructurations, de dévoiements de libertés et valeurs et qui met en jeu, in fine et sérieusement, la survie du journalisme, profession de la vérité, de l’exactitude, de l’ « human interest », du « vivre ensemble ».
Le journalisme, dont la pratique la plus emblématique de sa mission sociétale, est l’investigation, subit une véritable « ébullition sismique et cosmique », estime encore M. Naji. Avant de rappeler « les fondamentaux qui constituent le matériel génétique de cette profession » : le « b.a-ba » des règles professionnelles et déontologiques, les cursus de formation et modules de formation continue, la bonne, participative et transparente gouvernance des médias, la lutte contre la censure et l’autocensure, la lutte pour le droit à l’information, l’indépendance d’opinion et de conscience, le respect responsable des droits humains, la régulation et l’autorégulation surtout…L’ultime espoir, conclut-il, est dans une démarche « collaborative » entre médias afin de mener des actions de « Fact checking » (vérification des faits à une ère de « post-vérité »), comme en ont donné la preuve des groupes de défense pour la révélation de vérités spectaculaires : ceux qui ont déterré les « Panama papers » et les « Paradise papers »… Sachant que d’autres groupes de « médias collaboratifs » se mettent actuellement en place pour travailler ensemble au démontage de fausses informations, parfois fort sensibles pour des gouvernements ou des sociétés, en Europe notamment (France, Royaume Uni) et en Afrique (Sénégal).