La régulation et la convergence entre télécoms et médias en débat à l’IIC à Washington
Du 4 au 6 décembre, au siège d’un grand industriel américain de la téléphonie, à Washington, l’Institut International des Communications (IIC) a réuni plus d’une centaine d’experts, majoritairement américains, de responsables gouvernementaux américains, d’industriels des télécoms et des médias, en plus de régulateurs et de grands managers des holdings mondiaux du numérique et des réseaux dits sociaux pour confronter leurs stratégies, leurs analyses et leurs projets d’avenir quant au futur de ces secteurs et leurs impacts économiques, socio-politiques et culturels. Les horizons que dégagent, à date, les effrénées évolutions du monde digital, partout dans le monde, à la faveur de multiples convergences entre technologies et vecteurs, interpellent gouvernements, législateurs, régulateurs et sociétés civiles sur les usages en cours et à venir, sur nombre de droits humains et libertés individuelles au point que le Président de l’autorité fédérale de régulation des médias et des télécoms en Inde a alerté les participants et participantes sur les périls qui guettent ce qu’il a appelé « la dignité digitale ou numérique ».
Au cours de ce forum, auquel a pris part M. Jamal Eddine Naji, Directeur Général de la Haca, plus d’une quarantaine de conférenciers (« keynote speakers ») et de panelistes ont abordé cette vaste problématique qui met en équation la régulation et la convergence, à partir de quatre prismes principaux, thématiques ciblées par huit panels : la confidentialité et la sécurité des données, quel équilibre entre les principes de liberté, de sécurité et de transparence; la politique et la réglementation mondiales, l'évolution des rôles des agences intergouvernementales ; la connectivité, comment combler l'écart dans la couverture entre monde rural et monde urbain ; révolution numérique, implications politiques de la convergence des plateformes télécoms et médias…Les échanges, fort nourris sur ces thématiques ont amené à aborder, avec illustrations d’expériences de différents pays et contextes, plusieurs questions pratiques qui nécessitent des solutions urgentes : le commerce numérique ou électronique, qu'est-ce qui est nécessaire pour soutenir des services globaux homogènes?.. L'impact de la législation récente et à venir sur l'économie fondée sur les données (DATA) et l'IOT (internet des objets ou objets connectés) ; les contenus du futur, l'évolution des modèles de demande des consommateurs et leur impact sur les modèles économiques, la culture de l'Internet par rapport au droit d'auteur. Pour résumer tous les impacts de la convergence, un des orateurs trouva cette formule choc : « l’économie numérique, c’est l’économie tout court du monde actuel » ... Des flux de production qui génèrent de l’économique (publicité et échanges marchands) qu’illustra un conférencier brésilien en indiquant qu’en 60 secondes, 3 millions de messages sont postés sur Facebook et 500 vidéos vues sur YouTube… Ajoutant, qu’il y a 25 ans, date du 1er message électronique émis, les GAFAM n’existaient pas…Autant de réalités nouvelles et de questionnements des plus brûlants qui ont été approchés surtout dans le contexte communicationnel nord-américain et les prolongements dominants de ses grands groupes dans le monde. Des conseillers de la Maison Blanche (notamment en cyber sécurité), des représentants du Département d’?tat, du Département du commerce, des administrations fédérales des technologies, de l’information, des télécommunications et des responsables et experts de la puissante commission fédérale de régulation (FCC) ont ainsi débattu de ces grands défis aux USA et dans le monde avec les géants américains, à rayonnement mondial : Google, Apple, Facebook Amazon, Microsoft (GAFAM), Mozilla, Nokia, « Dish Network » (géant des paraboles), Watt Disney Company…En plus d’organisations internationales comme ICANN, Banque Mondiale, Forum ?conomique Mondial… Cependant, les organisateurs de l’IIC ont veillé à faire confronter les analyses des expériences du continent nord-américain (en plus du Canada et des Caraïbes) aux expériences d’autres régions du monde : Amérique du sud et Amérique centrale (Brésil, Mexique, Panama), Asie (Inde, Népal, Korée, Thaïlande, Taiwan), Afrique (Afrique du Sud, Nigéria, Sierra Leone), Europe (Belgique, Allemagne, Suède, Pologne).
Un des thèmes les plus discutés, tant pour la réalité nord-américaine que dans le reste du monde, particulièrement dans les pays du sud, a été la « fracture numérique » et ses impacts, encore vivaces malgré l’hyper connectivité universelle en progression constante parmi toute la population mondiale. Il semble de plus en plus évident que cette fracture (« Digital Divide ») ne se présente plus dans les mêmes termes que lorsqu’elle a été décrite et décriée lors du Sommet Mondial du Savoir et de l’Information (SMSI/WISIS), en 2003 à Genève, releva M. Naji au cours de ces débats. « Il est évident, par conséquent, poursuivit-il, qu’il s’agit de l’aborder, de nos jours, autrement, pour l’analyser en tenant compte, certes des contextes locaux, mais en tenant compte aussi des nouveaux usages et perceptions des citoyens, qu’ils soient minimalement connectés ou hyper connectés ». Car, ajouta-t-il, « En Afrique, par exemple, comme au sud-est asiatique, on assiste à des taux de pénétration exponentiels, autour de 60%, 70% et plus, une relative mais conséquente généralisation de la 3G et 4G, une appropriation en réelle progression des usages via le Net et le cellulaire dans le rural, sans parler de l’urbain, au point que l’individu a le sentiment qu’il est aussi connecté que le reste du monde à travers la planète et sa médiasphère transfrontalière, et il agit en conséquence, la preuve en est le succès planétaire des réseaux sociaux ». Un point de vue que nombre d’intervenants ont partagé, notamment le Président de l’autorité de régulation indienne, M. Aji Pai, qui proposa de concentrer l’effort sur « la dignité digitale », après la bataille de la connectivité qui est en passe d’être gagnée au sud comme au nord. « Sur 1,3 Milliard d’habitants, nous comptons un milliard de connections, un taux de pénétration 3G et 4G de 70%, de 45% dans le rural », révéla-t-il. Avant de souligner que le téléphone cellulaire est « le premier réseau d’inclusion » en Inde, un pays-continent, où la téléphonie remonte à 1885 (13 opérateurs privés actuellement), où le gouvernement fédéral a agi pour que le prix du cellulaire intelligent tombe dans la fourchette entre 10$ et 20$, et qui a en projet pour 2018/2020 un nouveau texte de loi et surtout l’objectif de connecter 100.000 villages et d’atteindre un total de 100 villes connectées ou « Smart cities ».