ISIC : la Chaire Mohamed Larbi Messari pour l’éthique journalistique officiellement lancée
La Chaire Mohamed Larbi Messari pour l’éthique journalistique a été officiellement lancée lors d’une cérémonie organisée le jeudi 20 octobre à Rabat, à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC).
Historien, diplomate, journaliste et homme politique marocain, Mohammed Larbi Messari (1936-2015), était une personnalité à la fois discrète, ayant toutefois eu une vie bien remplie grâce à ses multiples talents et activités.
Cette émouvante cérémonie, à laquelle ont notamment pris part la famille de feu Mohamed Larbi Messari, ainsi que ses nombreux amis journalistes et des camarades du Parti de l’Istiqlal, a été co-présidée par le Directeur Général de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle (HACA), M. Jamal Eddine Naji (ex professeur à l’ISIC) et le ministre de tutelle de l’ISIC, ministre de la Communication, M. Mustapha El Khalfi.
Rendant un hommage appuyé à la personne de feu Messari, à son exemplarité et à son parcours, les intervenants ont rappelé l’importance et la valeur ajoutée que peut offrir une chaire dédiée à l’éthique journalistique aussi bien sur le plan académique que sur le plan professionnel.
La Chaire Mohamed Larbi Messari, qui sera dirigée par M. Benaïssa Asloun (diplômé de l’ISIC, ex-directeur des Etudes au même institut), offrira un cursus annuel à une soixantaine de journalistes marocains par an ; accueillera des spécialistes des quatre coins du globe pour animer des conférences ouvertes ; et fera office d’observatoire et de catalyseur de la recherche scientifique en matière d’éthique journalistique.
Elle s’intéressera également à « l’humanisme digital », et étendra le concept d’éthique journalistique au Web 2.0 afin de faire rempart à toutes les « facilités et déviations » que permet, souvent dans l’anonymat, le virtuel.
Selon le ministre de tutelle, cette chaire aura une triple responsabilité : offrir une formation annuelle diplômante à une soixantaine de journalistes marocains par cycle ; recevoir des personnalités internationales afin de présenter des conférences tous publics et encourager la recherche scientifique. Ce qui fera aussi de cette chaire un observatoire de l’éthique déontologique.
D’emblée, une quarantaine d’institutions, dont quinze (15) facultés et une dizaine d’établissements d’enseignement supérieur privés bénéficieront d’une formation à l’éthique journalistique grâce à cette Chaire. Soulignant le rôle du droit, de la législation et de la formation pour un journalisme professionnel qui respecte son lectorat, sans oublier l’éthique professionnelle, le ministre a rappelé le rôle majeur de certaines institutions dans la consécration de l’éthique professionnelle, telle que la HACA.
Pour sa part, M. Abdelkrim Ghallab, écrivain, doyen des journalistes marocains, ex-compagnon de route de feu Larbi Messari, a salué l’initiative de création de cette chaire. D’autant plus, a-t-il estimé, que « l’éthique journalistique est problématique. Elle prend de l’ampleur et gagne en complexité, avec le temps, avec les nouvelles technologies et avec la course au scoop qui se confond de plus en plus avec une exécution à la va-vite ».
Pour M. Ghallab, l’objectif de la Chaire Larbi Messari est de développer le processus d’apprentissage en matière de droits de l’homme et d’éthique professionnelle, en conjuguant deux pôles, l’académique et le professionnel. Quant au nom que porte cette chaire, M. Ghallab estime qu’il s’agit-là plus que d’un simple hommage. « C’est un capital symbolique, source d’une énergie renouvelable à l’infini, qui permettra de travailler selon les valeurs que le défunt à toujours portées haut et pour lesquelles il a toujours milité ».
DE GAUCHE A DROITE, MM. ASLOUN, KHALFI, NAJI ET MME FEU LARBI MESSARI.
A l’instar des autres participants, M. Ghallab a également témoigné de l’activisme, de la rigueur, du professionnalisme et de la fidélité, avec lesquels feu Larbi Messari exerçait le journalisme. « Il choisissait les sujets les plus difficiles et les traitait de la meilleure des manières. Lorsque vous lisiez un article signé Messari, vous étiez sûr de passer un bon moment avec cet article et d’en apprendre beaucoup ». Cette chaire sera donc « un juste legs qu’il aurait laissé à ceux qui sont restés derrière lui ». M. Abdelkrim Ghallab a salué l’exemplarité et l’esprit combattif de feu Larbi Messari pour préserver l’intégrité et l’honneur de la presse.
Pour sa part, Me M’hamed Boucetta, ancien Secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, a été bref et intimiste dans l’hommage rendu à son défunt ami. Il a mis l’accent sur les valeurs d’honnêteté, de sérieux et de loyauté de feu Messari, repris en écho dans tous les témoignages. S’adressant à la famille Messari, il a affirmé : « j’en fais partie. Avec la permission des concernés ». M. M’hamed Boucetta était entouré de nombres de figures historiques du Parti de l’Istiqlal : M’hamed Douiri, Abbas El Fassi, Abdelhak Tazi, Moulay Ahmed Khalifa, sans oublier Mme Feu Larbi Messari et ses enfants, bien connus, dans le monde universitaire notamment. De son côté, le Président du Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM), M. Bekkali, est revenu sur le statut de précurseur et de doyen du journalisme de feu Larbi Messari, ainsi que sur le rôle crucial qu’il a joué dans l’évolution de la presse.
Prenant la parole pour clore la salve d’hommages qu’il a lui-même ouverte plus tôt, M Jamal Eddine Naji, Directeur Général de la HACA, a fait part de sa vive émotion de partager ce moment avec les participants et l’assistance, représentant au moins trois générations de politiques, journalistes à l’origine pour la plupart, de vétérans du journalisme marocain, comme Seddik Maaninou, Abdeslam Jdidi, en plus des jeunes journaliste et étudiants de l’ISIC. « Un aéropage, dit-il, du Maroc intergénérationnel que j’aime et défend, surtout pour la noblesse de ce métier si aimé par le défunt ».
M. Naji a rappelé que l’époque où le défunt exerçait pleinement le journalisme, était celle des années de plomb. « A l’époque, le métier était une guerre dont l’art se pratiquait à la plume ». Le but était alors de participer à la construction d’un Etat de Droit. Il faut maintenant revenir à quelque chose de fondamental, sans son préalable cet état de droit ne peut être pérenne… « Avant le droit, la logique est de suivre les valeurs, la morale. Le digital mettant réellement en péril l’éthique journalistique par les facilités qu’il offre », M. Naji propose de s’intéresser de près à « l’humanisme digital », et d’étendre la déontologie au virtuel.
Comment les valeurs peuvent-elles dépasser le droit dans le digital ? Question rhétorique, à laquelle le Directeur Général de la HACA apporte son propre éclairage : « Aujourd’hui, nous devons construire un Etat de valeurs, dont le sésame serait l’éducation. Et cet Etat de valeurs existe », a-t-il assené, « car nous y avons travaillé. C’est à cela que travaillait feu Mohamed Larbi Messari. Autant de raisons pour que cette Chaire trace sa voie, et qu’elle accorde au digital un focus spécial », a conclu M. Jamal Eddine Naji.