Intervention de M. Naji aux 1ères Assises internationales du journalisme organisées à Tunis sous l’interrogation : « Un journalisme utile aux citoyens ? »
A l’invitation de la Sous-Direction Générale à la communication et à l’information (Division liberté d’expression et développement des médias) de l’Unesco, M. Jamal Eddine Naji, Directeur Général de la Haca, Président du réseau des chaires Unesco en communications (Orbicom), a pris part aux « Premières Assises internationales du journalisme » organisées du 15 au 17 Novembre à Tunis avec la participation de délégations venant de plus d’une trentaine de pays (experts, professionnels, décideurs medias, activistes des sociétés civiles…). Nombre de conférences, de débats de panels et d’ateliers ont été conduits, durant ces trois journées, à l’enseigne de la question centrale : « Quel journalisme utile pour les citoyens ? ». Une interrogation générique qui a, en fait, permis de faire le point sur la situation actuelle et l’avenir du journalisme, à l’ère du numérique, du déclin des médias classiques (presse écrite surtout) et suite à l’hyper connectivité du citoyen, du « cyber citoyen ou E. Citoyen », hier simple cible des médias, désormais acteur effectif dans la médiasphère mondiale et locale.
Choisissant d’interroger le rapport ou ce « nouveau face à face » entre le journaliste professionnel et l’E. Citoyen, M. Naji, lors d’un panel d’experts et de porteurs de projets innovants à propos de la priorité de l’éducation aux médias, a estimé que le défi pour le journalisme semble complexe et quelque peu déroutant pour les professionnels (es) et leurs organisations. Mais ce défi, explique-t-il, peut être simplifié à une équation entre un « imaginaire collectif » d’hier et le nouvel imaginaire collectif d’aujourd’hui. Celui d’hier, dit-il, était fait de légendes, de contes, de fausse croyances, de rumeurs… et celui d’aujourd’hui est en train de se construire sous nos yeux et au bout de nos « clicks » par de fausses nouvelles ou « fake news », de tweets incroyables, même de puissants, de rumeurs virales, de stéréotypes anciens et nouveaux, de discours haineux et de terreur, de manipulations et falsifications de contenus, de donnes et vérités politiques, sociétales, culturelles, environnementales détournées, dévoyées, usurpées, y compris par des États, etc. L’on assiste ainsi à de faux rhéteurs ou « muftis », poursuit M. Naji, à une usurpation des rôles et des légitimités, à des impostures dans tous les domaines, à la falsification de l’histoire des peuples, à l’altération des identités, du contrat social des sociétés, des modèles sociétaux acquis à l’objectif de la paix. « La paix, rappelle-t-il, qui, d’emblée, suppose la tolérance, laquelle ne peut éclore que sur la vérité dans les rapports sociaux… Et la vérité, elle-même, séquence centrale de l’ADN du journalisme, ne peut émerger que sur la base d’informations et de connaissances exactes, vraies et avérées mais qui soient en même temps ouvertes sur la liberté d’opinion, le libre arbitre du récepteur, le citoyen, en l’occurrence. D’où, l’impérieuse nécessité pour les professionnels de remettre en question, comme jamais auparavant, leurs techniques journalistiques et leurs règles déontologiques, leurs formats, leurs différents exercices et façons de faire ce métier de la vérité et de la médiation pour la vérité. Ce qui doit être discuté sans relâche et inspirer profondément leurs corporations, leurs plans et cursus de formation, pour, in fine, défendre la noblesse de ce métier, sa place, son rôle et son utilité dans la société.
Conjoncturellement, conclut M. Naji, le journaliste professionnel doit s’engager sérieusement dans le grand chantier de l’éducation aux médias pour contrer la destruction et la désintégration de sa mission comme de la citoyenneté démocratique sans l’environnement de laquelle il ne peut survivre ni honorer la vérité, sa principale raison d’existence. Ceci, tout en défendant toujours la liberté d’expression et en s’efforçant laborieusement d’inspirer, de manière volontariste, les politiques publiques, en matière de libertés, de justice, de droits démocratiques et de citoyenneté démocratique conséquente et digne.
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