« La communication politique, de l’éditorial au tweet », conférence de M. Naji l’ISIC
Le Pr Jamal Eddine Naji a donné, jeudi 19 janvier, une conférence à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication (ISIC) sur le thème de la communication politique, qui a constitué un voyage depuis l’apparition de la presse écrite, notamment au Maroc, jusqu’à l’hégémonie récente des nouveaux médias électroniques.
Devant un parterre d’étudiants du Master de Communication Politique, mais aussi de professionnels de la Communication et des Médias, M. Naji, qui intervenait en sa qualité d’expert en communication et en journalisme, ex Professeur-Chercheur à l’ISIC, a souligné qu’il était intéressant d’étudier les développements respectifs des journaux et des moyens audiovisuels dans un environnement médiatique de plus en plus marqué par les nouveaux outils d’information qui recourent à l’Internet.
La liberté et la démocratie se nourrissent du pluralisme des idées, des opinions et de la défense des intérêts de la population, a poursuivi M. Naji, soulignant que les médias en étaient, depuis l’origine, un des instruments les plus efficaces. Il a par la suite esquissé une rétrospective de l’évolution des médias sur le plan technique afin de mieux saisir leur rôle et leur influence dans la société.
Le conférencier, qui avait d’abord commencé par rendre hommage au Pr Alami Machichi, présent à la conférence, ancien ministre de la Justice et ancien directeur de l’ISIC, a ensuite passé en revue les différents modes de communication politique, qui sont passés en un peu plus d’un siècle, tout particulièrement au Maroc mais aussi dans le reste du monde, de l’éditorial du journal, signé du leader politique, au tweet d’un chef d’Etat et ses conséquences immédiates. L’impact des nouvelles technologies sur la communication politique est indiscutable, car tous les paradigmes de réactivité ont été bouleversés. Avant, il fallait d’abord se procurer le journal, le lire et se faire une idée. Aujourd’hui, un seul tweet du nouveau président américain Donald Trump, qui a résolument opté pour ce mode de communication, peut être plus percutant que 1000 meetings ou conférences et peut créer le buzz sur tous les autres supports, médias et hors-médias», a-t-il dit.
M. Naji a, par ailleurs, insisté sur le fait que la communication politique doit être basée sur « une information véridique », car « la véracité de l’information confère au discours politique sa légalité et sa légitimité ».
Revenant sur l’ère de la communication « papier », le conférencier avait cité plusieurs exemples de jeunes nationalistes marocains qui avaient bien saisi l’importance de la plume pour lutter contre l’occupation française et espagnole. Mohammed Ben Abdelkrim El Khattabi, Alla El Fassi, Abdelkhalek Torres, Mohammed Ben El Hassan El Ouazzani, Mekki Naciri, Abdallah Ibrahim, Abderrahim Bouabid, Abderrahmane El Youssoufi, Ali Yata, pour ne citer que ceux-là, ont été des journalistes/éditorialistes et responsables des publications au sein desquelles ils exerçaient. « Ils ont été les précurseurs de la communication politique au Maroc », a-t-il dit.
Actuellement, et avec l’apparition des nouvelles technologies les choses ont changé, a-t-il souligné ajoutant qu’au Maroc, le terrain semble favorable au développement du web, du marketing politique 2.0. Le Royaume compte plus de 18 millions d’internautes et 67% des ménages ont accès à internet. Mieux encore, 8 internautes sur 10 utilisent les réseaux sociaux pour s’informer. Toutefois, nos hommes politiques ne semblent pas surfer sur cette vague pour informer leurs interlocuteurs potentiels et interagir avec eux.
Assistons-nous à un renforcement du pluralisme des informations et des opinions, un des critères de démocratisation ? Ou au contraire des monopoles nouveaux se sont-ils imposés, menaçant ainsi la liberté et la diversité des opinions? La question reste posée, au regard des multiples dérapages entretenus ou suscités par le biais des NTI et autres réseaux sociaux, notamment dans la gestion de la communication en temps de guerre ou de crise. Attisement de la haine, contre-vérités et manipulation ne sont jamais loin. Le rêve des autoroutes de l’information qui aurait permis une communion du savoir et un rapprochement entre les peuples est-il une chimère, s’interroge en conclusion M. Naji, auteur de manuels de journalisme et d’études sur le rôle des médias en relation avec les droits de l’Homme et la démocratie.