M. Naji interroge, à l’Université de Lima (Pérou) la « Médina arabe » face à la « ville intelligente » de l’ère numérique
Une moyenne de 930 étudiants, à l’écoute pendant trois jours, de plus de 110 conférenciers et panélistes, a été l’affluence studieuse qui a suivi près de 40 sessions plénières, ateliers et tables rondes, dans le cadre du symposium thématique scientifique annuel du réseau ORBICOM des chaires Unesco en communication, organisé cette année (du 8 au 10 Mai) à Lima, capitale péruvienne, à l’invitation de la Chaire Orbicom de l’Université de Lima (Ulima au slogan : « Science et Praxis »).
Ce symposium, animé en quatre langues (espagnol, anglais, français et portugais) était centré sur les « villes intelligentes » ou « Smart Cities » sous le thème générique « Communication, cités et espaces publics ». En parallèle, la trentaine de membres du réseau Orbicom, qui ont fait le voyage à Lima, représentant les 38 chaires Unesco, fondées sur les cinq continents (en plus de 200 membres associés au réseau), ont tenu leur 7ème Assemblée Générale annuelle « physique » (en 23 ans, hormis une AG virtuelle, élective, à la fin de chaque année). Cette assemblée de Lima 2018, dirigée par Pr. Jamal Eddine Naji, DG de la Haca, Président du réseau, aux côtés du Secrétaire Général, Pr.Yves Théorêt (Professeur à l’Université UQAM de Montréal), et du Secrétaire Général adjoint, M. Pierre Giguère (ex ambassadeur du Canada en Afrique et en Haïti), et des membres du Conseil d’Administration du réseau a été marquée par l’organisation d’une session spéciale célébrant la journée mondiale de la liberté de la presse. Session qui a consisté en un atelier d’échange avec les représentants de l’Unesco Paris, dont M. Guy Berger, Directeur de la Division pour la liberté d’expression et le développement des médias, dans le but d’élaborer un agenda de partenariat, à moyen terme, entre ORBICOM et l’Unesco sur la base des objectifs de développement durable de l’agence onusienne. Un agenda qui a retenu, au bout de cette session, comme chantier commun entre ces deux partenaires, pour 2018/2019, « la liberté d’expression à l’ère numérique ». Thème d’un prochain colloque du réseau Orbicom (décrété « Think Thank » de l’Unesco) qui sera organisé à Strasbourg l’année prochaine.
Quant aux travaux scientifiques du symposium « Communication, cité et espaces publics », ils ont été déclinés, pendant les trois jours, sur divers et multidisciplinaires sous-thèmes, identifiant les enjeux présents et futurs de la communication, à l’ère numérique, dans la « ville intelligente » et ses espaces publiques, y compris l’« espace public », au sens politique du terme et de gouvernance.
Au cours de la séance inaugurale, le Recteur de l’Université hôte (ULIMA), Dr.Oscar Quezada Macchiavello, introduisit le thème de cette conférence, insistant sur les valeurs démocratiques et sur la science à leur service, alors que M. Naji, lui succédant, choisit d’énumérer les grands défis des villes intelligentes, des connectivités multiples dans les espaces publics, dans les médias et leurs convergences sans limites, pour insister, lui aussi, sur la dimension d’un « humanisme numérique » à mettre en avant dans les politiques publiques en charge de dessiner, imaginer et gouverner ces « Smart cities » au service d’une citoyenneté participative et inclusive. Par la suite, ce symposium, inédit en Amérique Latine, a abordé en sessions plénières et en sessions thématiques ou ateliers un grand nombre d’axes : inclusion et exclusion sociale ; les représentations médiatiques de la ville ; Espace public virtuel ; politique et espace public ; citoyenneté et activisme ; le multiculturalisme et l’inter- culturalisme dans la ville ; la ville comme récit, radicalismes et ouvertures socioculturelles dans la ville ; médiation sociale…
Comme key note speaker, de la première des 8 plénières prévues, M. Naji a proposé au millier de participants, étudiants, professeurs, chercheurs et experts de l’Unesco et du réseau ORBICOM, pendant plus d’une heure, un voyage dans le passé, avec interrogations sur le futur, concernant les médinas arabes d’hier et leur futur à l’ère des villes intelligentes, en intitulant son intervention : « De la Médina Arabe à la Smart-City, enjeux de la citoyenneté, de la démocratie et des pouvoirs des citoyens ».
M. Naji commença par s’interroger : « L’ère numérique, qui annonce l’émergence d’une « civilisation » du virtuel ou, disons-le, une « civilisation numérique », nous promet-elle également, en plus de ses inouïes possibilités de communications et de partages, de décupler le meilleur des rôles et services de nos villes traditionnelles ? La « smart-city », sera-t-elle une « cité traditionnelle Plus » ? Pourquoi le serait- elle ou le devrait-elle ? Le souhaitons-nous ? Pourquoi ? Que voudrions-nous préserver ou garder comme offres, services et valeurs de l’ancienne cité et les voir démultipliés et, sans doute, les voir améliorés par le virtuel et sa connectivité ? » Remontant dans l‘histoire de la ville Arabe, avec illustrations, depuis Damas, Bagdad, Médine, Le Caire, Carthage, Tunis, Fès, Marrakech, il estima que les politiques publiques, œuvrant pour l’avènement et le développement de « villes intelligentes », devraient poser ces questions, sans nostalgie, à la cité arabe qui est assez spécifique bien que son modèle rappelle quelques-uns des fondamentaux de la cité antique gréco-romaine et punico-phénicienne aussi. Dans son propos, M. Naji, s’arrêta longuement sur le cas d’espèce, sur ce registre d’interpellation du futur, sous une lumière relativisée du passé : la médina traditionnelle marocaine et maghrébine plus largement, de Carthage à Fès…Certains pays, comme le Maroc, dit-il, commencent à confronter cette équation pertinente pour l’avenir de leurs politiques publiques de la ville. Il illustra l’engagement du Maroc vers les « villes connectées » par le cas de Casablanca et son plan 2014/2020 qui intègre 70 projets à réaliser d’ici 2022, visant à réserver 30% de la superficie de la ville aux espaces verts et à développer son Open Data, « Casa Urban Data ».
En conclusion, M. Naji souligna que l’enjeu central de toute politique publique de ces villes du futur est la démocratie, ce qui nécessite, dit-il, une stratégie à trois objectifs structurants : la citoyenneté démocratique (ce qui concerne les comportements, usages et besoins des citoyens) ; la démocratie citoyenne (ce qui concerne la gouvernance) et l’appropriation de la démocratie par les citoyens et les citoyennes (ce qui concerne les pouvoirs réels de participation du citoyen - e- au façonnement de sa ville, son aménagement et sa gouvernance) … « Il faut que le citoyen -e- ait un œil sur sa ville et non que celle-ci ait un œil sur lui/elle ».
https://en.unesco.org/news/world-trends-report-launched-peru