Communication du Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle concernant le traitement médiatique audiovisuel du séisme d’Al-Haouz
APPROFONDIR LES ACQUIS
POUR GARANTIR LE DROIT DES CITOYENS
À UNE INFORMATION DE CONFIANCE
Réuni en session plénière le 21 septembre 2023, le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle, (CSCA), a pris la décision de porter à la connaissance du public un certain nombre de constats concernant le traitement médiatique consacré par les radios et télévisions nationales, publiques et privées, au séisme qui a frappé la région d'Al-Haouz le vendredi 8 septembre 2023. Ces constats et observations sont fondées sur le processus spécifique de monitoring des programmes audiovisuels mis en place par la HACA pour assurer le suivi, à la fois, de la mobilisation de 21 radios et 5 chaines de télévision dans cette situation de crise et des caractéristiques des contenus radiophoniques et télévisuels consacrés aux différentes dimensions de cet événement tragique.
Le CSCA a ainsi fait le constat de plusieurs éléments significatifs, parmi lesquels :
Une adaptation diligente de la programmation générale des radios et télévisions et une mobilisation exceptionnelle des ressources humaines et logistiques.
- Globalement et malgré quelques différences entre le temps de réaction de certains médias, il a été constaté une réactivité immédiate et une prompte adaptation des programmes des différents services audiovisuels pour, d’abord, annoncer le séisme et ensuite relater l’évolution des événements sur le terrain. Certaines radios privées qui diffusaient des programmes en direct au moment du tremblement de terre ont immédiatement annoncé la nouvelle et modifié la thématique des programmes pour la consacrer à la situation d’urgence, notamment en ouvrant leurs ondes aux citoyens pour recueillir leurs témoignages à chaud et leurs premières réactions.
- Par le biais d’une adaptation totale ou partielle de la programmation générale et d’une mobilisation exceptionnelle des ressources humaines et logistiques, les radios et télévisions ont par la suite assuré une couverture plus exhaustive et plus circonstanciée de l’événement.
- Le CSCA a, à cet égard, fait le constat de l’effort notable des différentes chaînes du service public pour mutualiser leurs moyens afin d’optimiser leurs capacités de terrain et répondre aux exigences du travail journalistique en situation d’urgence. La recherche d’une certaine complémentarité entre les chaines, puis, entre les catégories de programmes spéciaux mis en place dans ce contexte, a été illustrée également par la combinaison de reportages sur le terrain, de bulletins d’information en continu et de débats et interviews proposant ainsi interactivité, information factuelle et démarche de vulgarisation.
- Les radios et les chaînes de télévision ont également contribué à refléter et symboliser la période de deuil national en diffusant des programmes adaptés à cette séquence.
Le suivi assuré par les équipes de la HACA a établi qu’entre le moment où le séisme s’est produit et la fin de la période de deuil national, les radios et télévisions, publiques et privées, ont adapté leurs programmes à hauteur de 75% à 95% de la programmation générale initialement prévue, la variation s’expliquant par les différences de vocation entre les services audiovisuels.
Les radios et télévisions ont contribué à contrecarrer les fausses nouvelles et les images trompeuses par la mise à disposition des citoyens d'une information fiable
Grâce au déploiement sur le terrain d'un nombre significatif de correspondants et d'envoyés spéciaux et au recours à des sources fiables, autorisées, expertes, etc ; les radios et chaînes de télévision, publiques et privées, ont assuré, -bien qu’à des degrés divers, en termes de forme et de contenu-, l’accès de l’opinion publique à des informations précises, vérifiées, délivrées par des représentants du milieu médical, des spécialistes des opérations de secours y compris les équipes internationales intervenant dans les régions sinistrées, des représentants autorités en charge de la sécurité publique, des responsables gouvernementaux et des représentants des autorités locales....
- Le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel a considéré à ce propos que les radios et télévisions nationales ont de ce fait contribué, dans le contexte difficile d’une catastrophe naturelle dévastatrice, à assurer le droit des citoyens à une information de confiance. Cette contribution est d’autant plus significative que le droit à l’information a une valeur constitutionnelle et éthique et qu’il est souvent mis à mal dans des contextes de crise et d’urgence similaires. En effet, la forte charge psychologique inhérente aux événements tragiques tels que les catastrophes de toutes natures, occasionne souvent une prolifération de récits contradictoires et de narrations médiatiques approximatives et biaisées.
- Par ailleurs, le CSCA a estimé que la mobilisation des médias audiovisuels en matière de diffusion d'informations fiables est susceptible de contribuer à atténuer le sentiment de peur et d’anxiété dû au traumatisme psychologique lié aux pertes humaines et matérielles causées par le séisme. En temps de crise, de catastrophe et de peur collective, il est usuellement recommandé que les médias diffusent des contenus permettant de rassurer le public sans préjudice pour la véracité des faits et le devoir d’informer en toute éthique.
Plusieurs reportages consacrés aux différents aspects du retour progressif à la vie normale (solutions d’hébergement, scolarisation des enfants, soins médicaux, achats des produits de première nécessité, réparation des routes et des sentiers de montagne, etc.) sont susceptibles d’atténuer les effets de la peur et de l’angoisse collective et individuelle.
- En outre, les radios et les chaînes de télévision ont essayé d’adopter un registre de narration journalistique privilégiant la simplicité des propos, l’explication rationnelle, l’expertise scientifique et l’expérience humaine. L’approche « rationnelle » de cette communication grand public a été servie notamment par l’effort déployé pour solliciter de sources expertes dans des domaines variés : la géophysique, la psychologie, l'éducation, le droit et des sciences sociales, la santé publique, l’architecture, le patrimoine, etc.
- Le CSCA a par ailleurs estimé que l'effort journalistique de terrain en plus de la vigilance en matière de recueil de l’information auprès de sources fiables et spécialisées ont permis de mettre en exergue la contribution effective et significative des radios et télévisions à la réalisation de deux objectifs au bénéfice des citoyens marocains :
- la minimisation de l'impact des fausses informations et autres désordres informationnels qui se développent souvent dans les contextes d’événements tragiques. Les radios et télévisions ont en effet alerté le public sur de très nombreuses fake news : fausses prévisions météorologiques, fausses prédictions alarmistes de tsunamis, rumeurs et informations tendancieuses sur l'exclusion de certaines zones des opérations de secours, informations mensongères sur la rupture de barrages dans la région d'Al-Haouz, etc.
- La promotion de la vigilance citoyenne et de l’esprit critique vis-à-vis de récits médiatiques malveillants produits et propagés par des médias étrangers, mais aussi vis-à-vis de contenus nuisibles et toxiques circulant sur les réseaux sociaux dont certains ont présenté le séisme comme un châtiment divin.
- Lors de sa réunion, le CSCA a considéré que la mobilisation et l’engagement exceptionnels dont ont faits preuve les médias nationaux pour couvrir toute l’actualité du séisme d’Al-Haouz permet de tirer un enseignement fort pertinent pour l’avenir du système médiatique national : l’efficience de la lutte contre la désinformation ne saurait être tributaire de la seule dénonciation et démystification des fakes news. Elle est surtout liée à la capacité des médias professionnels à produire un contenu alternatif, fiable, documenté, basé sur les données de terrain et respectueux des normes éthiques de la pratique professionnelle.
Les radios et télévisions ont contribué à la promotion des valeurs de la solidarité, du vivre-ensemble et de la cohésion nationale
- La couverture très inclusive assurée par les radios et télévisions sur le terrain et dans toutes les régions touchées par le séisme a illustré la pertinence de l’engagement des opérateurs audiovisuels en matière de déploiement de leur diffusion et de l’action du régulateur en faveur de l’équité territoriale de la couverture audiovisuelle.
Le traitement interactif assuré par les radios et télévisions du séisme d’Al-Haouz et de ses multiples répercussions a permis de faire entendre la voix des victimes et de leurs familles et de donner la parole aux citoyens et aux associations pour exprimer leur compassion et leur solidarité. Ce souci d’interactivité qui a été investi aussi à travers la mise en avant des initiatives et des campagnes de solidarité organisées dans toutes les régions du Royaume, a permis de donner à voir une unité nationale agissante et sincère.
- En apportant au jour le jour, une information précise et illustrée sur les possibilités concrètes et les conditions pratiques pour toute contribution à la solidarité nationale, les médias audiovisuels ont grandement participé à la promotion de l’engagement citoyen solidaire au profit des victimes des séismes.
- Allant au-delà de l’appel au don, les radios et télévisions ont abordé des questions relatives au « savoir-faire et savoir-être » des volontaires et représentants des associations pourvoyeuses d’aide et de secours pour sensibiliser à la question du respect nécessaire des coutumes, de la culture et des traditions des habitants des régions touchées.
- Le CSCA a également relevé l'importance accordée dans le traitement médiatique radio- télévisé de la catastrophe naturelle ayant touché la région d’Al-Haouz à la représentation de la diversité. Ainsi par exemple, les radios et télévisions ont « visibilisé » les contributions et les initiatives de solidarité de tous les Marocains : hommes et femmes, jeunes et personnes âgées, citoyens de l’intérieur et Marocains du monde, arabophones et amazighophones, Marocains de toutes les régions du pays, musulmans et membres de la communauté juive, etc. En reflétant aussi les contributions et la solidarité exprimée par les étrangers résidant au Maroc, les médias ont mis en avant les valeurs du vivre-ensemble qui tiennent une place spécifique dans l’identité du Maroc et son image internationale.
- Le CSCA a relevé également que Haut du formulaire
les radios et les chaînes de télévision monitorées ont fait preuve d’une grande vigilance en matière de respect des obligations prévues par leurs cahiers des charges. A titre d’exemple, les chaines de télévision ont veillé à ne pas montrer d'images choquantes ou voyeuristes de cadavres sous les décombres ou de dépouilles des victimes lors des enterrements. Des précautions ont été prises pour éviter de réexposer les enfants et les mineurs aux mêmes conditions difficiles qu'ils ont vécues lors du tremblement de terre. Globalement, les images montrées n’ont représenté aucune atteinte à la dignité des personnes victimes de la catastrophe. La présomption d'innocence a été respectée dans les contenus audiovisuels consacrés à l’information et la critique de certaines activités illégales présumées commises par des individus en rapport avec le séisme et ses conséquences sur le terrain.
- Le CSCA a considéré que cette vigilance éthique des médias audiovisuels monitorés est d’autant plus importante à relever que les principes éthiques sont de plus en plus susceptibles d'être négligés dans la médiatisation des crises et des catastrophes naturelles en raison de la montée en puissance de pratiques de communication préjudiciables, basés sur le sensationnalisme et l’instrumentalisation des émotions, des peurs et des souffrances humaines.
En conclusion, le CSCA a considéré que :
- L'effort médiatique important déployé par les radios et les chaînes de télévision nationales publiques et privées, pour couvrir l’événement tragique du séisme d’Al-Haouz, constitue un acquis professionnel au profit du droit du citoyen à l'information.
- Ces bonnes pratiques pourraient être consolidées encore et enrichies pour renforcer les capacités des médias audiovisuels à s'engager de manière optimale dans l'effort national requis pour assurer la mise en œuvre des décisions prises par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L'Assiste au profit des citoyens des régions affectées par le séisme, notamment : la reconstruction, la mise en œuvre de la future loi relative aux pupilles de la Nation, le désenclavement des régions, la restauration du patrimoine, etc.
- Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle a également considéré que cette expérience a mis en évidence la centralité du service public de l’audiovisuel, l’importance de la consolidation de la libéralisation de la communication audiovisuelle ainsi que la question déterminante du renforcement de la confiance entre les médias et les citoyens.