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Décision du CSCA n° 02-06

25 jan 2006

Décision du CSCA N°02-06 du 24 Dou al hijja 1426 (25 janvier 2006)

relative au reportage consacré par SOREAD 2M à « une Tentative d’homicide sur un enfant de 5 ans » en instruction devant la Cour d’Appel d’El Jadida .
 

 Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle,

 Vu le Dahir n° 1.02.212 du 22 Joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, notamment son préambule et ses articles 3 (alinéas 8 et 11), 11 et 12 ;

Vu la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée par Dahir n° 1.04.257 du 25 Kaada 1425 (7 janvier 2005), notamment son préambule et ses articles 3, 8 (alinéa 3), 9 (dernier alinéa), 46 (dernier alinéa), 48, 63 et 81 ;

Vu le Cahier des Charges de « SOREAD 2M », approuvé par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle le 27 juillet 2005, notamment ses articles 29, 30, 31, 41 et 43 ;

Vu la Recommandation adressée par le Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle aux opérateurs de la communication audiovisuelle le 12 août 2005 concernant la couverture des procédures judicaires, notamment à « SOREAD 2M »  en date du 8 août 2005 ;

Et après avoir pris connaissance des documents relatifs à l’instruction effectuée par les services de la Direction Générale de la communication audiovisuelle dans le cadre du contrôle de la programmation des services de communication audiovisuelle ; 

Et après en avoir délibéré :

Attendu que « SOREAD 2M » a diffusé durant son journal télévisé du soir en langue arabe, le 20 décembre 2005, un reportage  sur un fait divers présenté comme étant une « tentative d’homicide sur un enfant  de 5 ans par sa belle mère, dans la ville d’Azemmour » ; 

Attendu que pour les besoins du dit reportage une reconstitution des faits présumés a été réalisée par SOREAD 2M  sur le lieu de leur accomplissement, avec la mise en scène et la contribution directe de l’enfant en question et de sa mère ;  

Attendu que l’affaire en question est soumise à la justice et qu’elle est, depuis octobre 2005, en cours d’instruction devant la Cour d’appel d’El Jadida ;

Attendu que le commentaire du reportage présente des actes non encore avérés, comme étant des faits accomplis et condamne l’accusée sans aucune nuances ni réserves  en ces termes : « le ramadan dernier, la première femme a kidnappé le fils de la seconde femme et a enterré vivant l’enfant âgé de 5 ans dans le cimetière d’Azemmour. Heureusement, il fut sauvé par un passant qui a alerté la police… » ;  

Attendu qu’un enfant de 5 ans supposé avoir déjà subi une agression d’une rare violence a de nouveau été soumis, pour les seuls  besoins d’un reportage télévisuel, aux mêmes conditions violentes dont il aurait été victime, qu’il a été filmé et interrogé alors même qu’aux dires du journaliste concerné lui-même « Khalid vit actuellement des troubles psychiques selon des consultations médicales » ;  ce qui constitue une violation des dispositions de l’article 3 de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle qui dispose que « La communication audiovisuelle est libre » et que « Cette liberté s’exerce dans le respect de la dignité de la personne humaine… » et aux prescriptions de l’article 29.3° du cahier des charges qui stipule que « dans le respect du droit à l’ information, la diffusion d’émissions, d’images, de propos ou de documents relatifs à des procédures judicaires ou des faits susceptibles de donner lieu à une information judicaire nécessite qu’une attention particulière soit apportée au respect de la présomption d’innocence, au secret de la vie privée et de l’anonymat des personnes concernées, et particulièrement des mineurs » ;

 Attendu que le présentateur, en  utilisant des expressions affirmatives telles que « elle a kidnappé » et « elle a enterré », sans préciser expressément aux téléspectateurs qu’il s’agit de simples allégations non encore avérées, laisse supposer la réalité indiscutable des faits rapportés ; ce qui affecte l’honnêteté de l’ information et enfreint, de ce fait, les dispositions de l’article 3 de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle et contrevient aux dispositions de l’article 30.1° du cahier de charges qui stipule que : « … Elle [la société] doit vérifier le bien-fondé de l’ information, notamment par le recours à des sources diversifiées et crédibles… » ;

 Attendu que les informations recueillies auprès d’un enfant de 5 ans en situation difficile qui tendraient à incriminer sa belle mère ne sauraient être considérées comme fiables ;

Attendu qu’un enfant mineur est apparu de manière claire et récurrente dans le reportage, qu’il a été interrogé et mis en scène sans qu’aucun procédé technique n’ait été utilisé pour protéger son identité ainsi que celles des autres personnes concernées par la procédure judiciaire ; ce qui enfreint les dispositions des articles 3 et 9 in fine de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle  et contrevient aux dispositions de l’article 29.3° relatives aux procédures judicaires susvisées et de l’article 31, 2e alinéa du cahier de charge relatives à la protection des mineurs qui prescrit que : « la société s’abstient, également, de solliciter le témoignage de mineurs placés dans des situations difficiles dans leur vie privée, à moins d’assurer une protection totale de leur identité par un procédé technique approprié et de recueillir l’assentiment du mineur ainsi que le consentement des personnes exerçant l’autorité parentale » ;

Attendu, sur la base de ce qui précède, que le reportage comporte une violation flagrante par « SOREAD 2M » des dispositions des articles 3 et 9.7° de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle et  un manquement aux obligations qui lui incombent en vertu des prescriptions des articles 29, 30 et 31 de son cahier de charges ;

 Attendu que l’article 41 du cahier de charges relatif à la charte de déontologie prescrit que «  la société institue, avant le 1er janvier 2006, une charte déontologique rappelant l’ensemble des règles d’éthique communément admises régissant les différentes catégories de programmes diffusés par elle, et notamment les règles découlant du présent cahier des charges », particulièrement celles relatives à la couverture des procédures judicaires, à l’honnêteté de l’information et des programmes et à la protection du jeune public, et précise que « cette charte est transmise à la Haute Autorité avant sa prise d’effet » ;

 Attendu que jusqu'à la date de la présente décision, « SOREAD 2M » n’a pas transmis à la Haute Autorité la charte de déontologie requise par l’article 41 du cahier de charges ;

 Attendu qu’en vertu de l’article 40 du cahier de charges de « SOREAD 2M », celle-ci met en place une commission consultative de déontologie et des programmes, chargée de  veiller au respect de la déontologie telle qu’inscrite notamment au titre II qui comprend les articles 29, 30 et 31 du cahier de charges, établit un règlement intérieur qui régit le fonctionnement de cette commission et communique à la Haute Autorité la composition de ladite commission et son règlement intérieur ;

 Attendu que jusqu'à la date de la présente décision, « SOREAD 2M » n’a pas transmit à la Haute Autorité la composition de la commission consultative de déontologie et des programmes et son règlement intérieur, tel que prescrit par l’article 40 du cahier de charges ;

 Attendu qu’en vertu de l’article 43, 3e alinéa, du cahier de charges de « SOREAD 2M », celle-ci porte à la connaissance de la Haute Autorité les dispositifs qu’elle met en œuvre à l’effet d’assurer le respect de l’ensemble des prescriptions du titre II relatif à la déontologie ;

 Et attendu que l’article 63 de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle dispose que : « les opérateurs de communication audiovisuelle sont tenus de mettre à la disposition de la Haute Autorité les informations ou documents nécessaires pour s’assurer du respect par lesdits opérateurs des obligations qui leur sont imposées par les textes législatifs et réglementaires ainsi que par leur cahier des charges », il importe d’exiger de « SOREAD 2M » qu’elle communique à la Haute Autorité les dispositifs qu’elle envisage de mettre en œuvre pour garantir le respect des dispositions de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle  et des prescriptions de son cahier de charges, particulièrement celles relatives à la couverture des procédures judicaires, à l’honnêteté de l’information et des programmes et à la protection du jeune public ;

   Pour ces motifs :

 DECIDE

  1. d’attirer l’attention de la société « SOREAD 2M » sur la nécessité de respecter les règles déontologiques prescrites dans son cahier des charges, particulièrement celles relatives à la couverture des procédures judicaires (article 29), à l’honnêteté de l’ information et des programmes (article 30) et à la protection du jeune public (article 31) ;
  2. d’attirer l’attention de la société « SOREAD 2M » sur la nécessité de respecter son engagement de communiquer à la Haute Autorité la charte de déontologie, en application de l’article 41 de son cahier de charges, dans un délai maximum de trente jours à compter de la date de notification de la présente décision ;
  3. d’attirer l’attention de la société « SOREAD 2M » sur la nécessité de respecter son engagement de communiquer à la Haute Autorité la composition de la commission consultative de déontologie et des programmes ainsi que de son règlement intérieur, en application de l’article 40 de son cahier de charges ;
  4. d’attirer l’attention de la société « SOREAD 2M » sur la nécessité de communiquer à la Haute Autorité les dispositifs qu’elle  envisage de mettre en œuvre pour garantir le respect des dispositions de la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle  et des prescriptions de son cahier de charges, notamment celles relatives à la couverture des procédures judicaires, à l’honnêteté de l’information et des programmes et à la protection du jeune public, dans un délai maximum de trente jours à compter de la date de notification de la présente décision ;            
  5. de notifier cette décision à la société « SOREAD 2M » et de la faire publier au Bulletin Officiel.

Délibéré par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle dans sa séance du 24 Dou al hija 1426 (25 janvier 2006), tenue au siège de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle à Rabat, où siégeaient Monsieur Ahmed Ghazali, Président, Madame Naïma El Mcherqui et Messieurs Mohamed Naciri, Ilyas El Omari, Mohammed Noureddine Affaya, El Hassane Bouqentar, Abdelmounim Kamal, conseillers.

 

  Pour le Conseil Supérieur

de la Communication Audiovisuelle,

le Président

 Ahmed GHAZALI

 

   


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