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Décision du CSCA n° 19-08

28 mai 2008

Décision du CSCA n° 19-08 Du 22 joumada I 1429 (28 mai 2008)

Relative à la plainte de l’AMDH contre la SNRT.

 

 

Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle ;

 

Après avoir pris connaissance de la plainte déposée, en date du 22 avril 2008, par Maître Abderrahim Al Jamai, au nom de l’Association Marocaine des Droits Humains - AMDH, à l’encontre de la SNRT ;

Vu le Dahir n° 1.02.212 du 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, notamment son préambule et ses articles 3 (alinéas 8, 11 et 16), 4, 5, 11 et 12 ;

Vu la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée par le Dahir n° 1.04.257 du 25 kaâda 1425 (7 janvier 2005), notamment ses articles 10, 47 et 48 ;

Vu le cahier des charge de la SNRT, tel qu'approuvé par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle (CSCA) par décision n° 01-06, en date du 03 Hijja 1426 (04 janvier 2006), notamment son préambule (alinéa 16) et son article 21 (alinéa3) ;

Après avoir pris connaissance des documents relatifs à l’instruction effectuée par les services de la Direction Générale de la communication audiovisuelle;

 

ET APRES EN AVOIR DELIBERE :

 

Attendu que l’AMDH expose, dans sa plainte, que la SNRT a diffusé la déclaration du Ministre de l’Intérieur faite lors de la conférence de presse tenue le mercredi 20 février 2008, et dans laquelle il a annoncé que « les services de sécurité ont démantelé un réseau terroriste, ayant à sa tête le dénommé Abdelkader BELLIREJ, qui avait l’intention de commettre des opérations terroristes sur le territoire national par les moyens d’armes à feu et d’explosifs, comme il s’apprêtait à assassiner des personnalités marocaines, entre autres des ministres, des responsables et des officiers supérieurs des forces armées royales et qu’il a précisé, à la même occasion, que l’enquête a révélé l’existence d’une relation entre le parti Al Badil Al Hadari et le parti Al Oumma non autorisé, d’une part, et la cellule, d’autre part, comme il a qualifié les deux partis de face trompeuse de l’action du réseau terroriste »;

Attendu que la plainte considère que les propos du Ministre de l’Intérieur « relatifs à la découverte présumée d’un réseau terroriste et à l’arrestation d’un nombre de personnes impliquées ont dépassé les limites de l’information générale et n’ont pas respecté la neutralité, et que le ministre, ayant émit des accusations exagérées envers ces personnes, n’a pas respecté leur dignité, n’a pas gardé leur anonymat, a violé la confidentialité de l’instruction et a violé le principe de séparation des pouvoirs… » ;

 

Attendu que la plainte considère que le Ministre de l’Intérieur, dans sa déclaration, a enfreint les dispositions de la Constitution et a porté atteinte aux valeurs, à la légalité internationale, relatives aux droits de l’Homme, qu’il s’est permis de porter des accusations à l’encontre de personnes nommément désignées, qu’il a divulgué des informations confidentielles auxquelles il n’a même pas le droit d’accéder, encore moins celui de les divulguer du fait qu'elles sont couvertes par le secret, vu qu’elles font partie de l’enquête préliminaire, qu’il a tenu lors de la conférence de presse,des propos dénigrants et a porté atteinte à la dignité de ces personnes, et qu’il a joué, de par sa position de Ministre de l’Intérieur faisant partie du pouvoir exécutif, le rôle d’une autorité d’accusation et de jugement et a exercé sans limitations requises, sa liberté d’expression ;

 

Attendu que l’AMDH demande au CSCA de procéder à l'audition du chef de la brigade nationale de la police judiciaire, du procureur général du Roi de la Cour d’Appel de Rabat et du Ministre de la Justice, en sa qualité de responsable au regard des lois et procédures en vigueur, de l’exécution de la politique pénale, et ce dans le but de « former ses convictions et de collecter les éléments qui l’aideraient à la prise d’une décision juste, objective et honnête » (première demande) ;

Attendu que, sur la base des données exposées ci-dessus, l’association « à travers cette procédure, vise à déclarer la SNRT responsable des manquements à plusieurs valeurs et principes commis par le Ministre de l’Intérieur à travers l’utilisation des médias publiques », et que « la SNRT, dont le capital est détenu par l’Etat, est officiellement et légalement considérée responsable devant la loi des infractions et des manquements graves à la loi et qui ont visé un nombre de détenus dont les noms ont été communiqués dans la déclaration du Ministre faite lors de la conférence de presse diffusée par la SNRT, ainsi qu’à un nombre de principes légaux qui garantissent les libertés privées de tout individu » (deuxième demande) ;

 

Attendu que l’AMDH, et sur la base de ce qui a été exposé, demande  « d’avertir la SNRT et d’attirer son attention sur le fait que les faits et les événements exposés lors de la conférence de presse par le Ministre de l’Intérieur, en date du 20 février 2008, et qui a été diffusée sur son antenne, constituent une violation aux engagements qu’elle est tenue de  respecter en vertu des lois régissant la communication, et un écart aux normes constitutionnelles, législatives et règlementaires », « d’attirer l’attention de la SNRT sur le fait que sa position constitue une partialité grave contre ceux dont les noms ont été révélés lors de la conférence de presse, et un signe d’irresponsabilité et d’inconscience professionnelle, ainsi qu’une une violation des principes de la présomption d’innocence et de la confidentialité de l’enquête préliminaire et un empiètement sur les prérogatives de l’autorité judiciaire », « de l’informer que ce qu’elle a commis en diffusant la conférence de presse porte atteinte à la réputation et à l’honneur des personnes dont les noms ont été révélés dans la déclaration du Ministre (…) » et de « la rappeler que ce qu’elle a diffusé constitue une incitation du public à se venger, et une menace à la sécurité des personnes dont les noms ont été révélés » ; que l’AMDH demande, en outre, au CSCA d’ordonner à la SNRT, d’une part, de diffuser une mise au point suite à la diffusion d’une déclaration portant atteinte à la confidentialité de l’enquête et au principe de présomption d’innocence et constituant un empiètement sur les prérogatives de l’autorité judiciaire et une violation aux principes constitutionnels, aux lois et aux règlements et, d’autre part, de publier une demande d’excuse officielle destinée à tous ceux dont les noms on été mentionnés par le Ministre de l’Intérieur lors de ladite conférence de pesse ; l’AMDH ayant attaché à sa plainte le texte de ladite mise au point (troisième demande) ;

 

Attendu que la Haute Autorité a adressé à la SNRT une lettre au sujet de la plainte, en date du 07 mai 2008 reçue par celle-ci le 09 mai 2008, demandant son avis et commentaires dans un délai maximal de sept jours de la date de réception, et que la Haute Autorité, à la date de la présente décision, n’a pas reçu de réponse ;

 

EN LA FORME :

Attendu que l’article 4 du Dahir n°1-02-212 dispose, dans son premier alinéa, que « Le conseil supérieur de la communication audiovisuelle peut recevoir des plaintes émanant des organisations politiques, syndicales ou des associations reconnues d’utilité publique, relative à des violations, relatives à des violations, par les organes de communication audiovisuelle, des lois ou règlements applicables au secteur de la communication audiovisuelle».

Attendu que l’Association Marocaine des Droits Humains – AMDH est une association reconnue d’utilité publique, en vertu du décret n° 2.00.405 du 19 moharram 1421 (24 avril 2000), elle fait partie des personnes visées à l’article 4 cité ci-dessus, ce qui justifie la recevabilité de sa plainte en la forme ;

AU FOND :

Attendu que, au sujet de la première demande concernant l’audition par le CSCA des responsables officiels susmentionnés, le Dahir n° 1-02-212 du 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle et la loi 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée  par le Dahir n° 1.04.257 du 25 kaâda 1425 (7 janvier 2005), ne reconnaissent au CSCA aucune prérogative lui permettant de convoquer ces responsables et de les auditionner, étant donné que la Haute Autorité est une autorité administrative indépendante qui exerce ses prérogatives exclusivement envers les opérateurs publics et privés du secteur de la communication audiovisuelle ;

Attendu que, au sujet de la deuxième demande, l’association plaignante fait grief à la SNRT d’avoir diffusé la déclaration du Ministre de l’Intérieur faite lors de la conférence de presse du 20 février 2008 ;

Attendu que l’article 47 de la loi 77-03 dispose que le rôle des sociétés nationales est « d’assurer l’exécution de la politique de l’Etat dans le domaine de la télévision, de la radio, de la télédiffusion, de la production ou de la publicité » ;

Attendu que l’article 48 de la loi 77-03 dispose que « Les sociétés nationales de l’audiovisuel public sont tenues au respect d’un cahier des charges fixant leurs obligations particulières. Les cahiers des charges doivent notamment prévoir les conditions dans lesquelles sont assurées les missions de service public par lesdites sociétés et relatives à : (…) - la diffusion des communiqués et messages d’extrême importance que le gouvernement peut à tout moment faire programmer » ;

Attendu que le préambule du cahier des charges de la SNRT stipule, dans son 16e alinéa, que la SNRT « assure la diffusion des communiqués et messages que le gouvernement peut à tout moment faire programmer » ;

 

Attendu que l’article 21 (alinéa 3) du cahier des charge de la SNRT stipule qu’elle « rend compte des activités Royales (…) des annonces et principales activités gouvernementales, et des débats parlementaires dans le respect des règles établies par la Haute Autorité de la communication audiovisuelle » ;

 

Attendu que, sur la base des dispositions susmentionnées, les sociétés nationales de radiodiffusion, dont la SNRT avec tous ses services, sont tenues, en vertu de la loi relative à la communication audiovisuelle et de leurs cahiers des charges, non seulement de diffuser les communiqués, les discours et les messages gouvernementaux officiels, sans aucune possibilité d’intervenir sur leur contenu, mais aussi de les diffuser fidèlement à tout moment ; les responsables gouvernementaux sont seuls responsables du contenu de leurs propos et la SNRT, en vertu de ses engagements juridiques, ne dispose pas de la possibilité de les modifier ;

 

Attendu que, au sujet de la troisième demande, l’article 5 du Dahir portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle dispose que « le Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle peut imposer aux entreprises de communication audiovisuelle la publication de mise au point ou de réponse à la demande de toute personne ayant subi un préjudice, à la suite de la diffusion d'une information portant atteinte à son honneur ou qui est manifestement contraire à la vérité. Le Conseil Supérieur fixe le contenu et les modalités des dites publications et en assortit le non-respect, le cas échéant, d'une astreinte dont il fixe le montant et dont le recouvrement est effectué par le directeur général de la communication audiovisuelle comme en matière de recouvrement des créances publiques de l'Etat » ;

 

Attendu que l’AMDH, en sa qualité de partie plaignante, n’a pas apporté d’évidence sur un préjudice qu’elle aurait subi suite à la diffusion, par la SNRT, de la déclaration du Ministre de l’Intérieur faite lors de ladite conférence de presse, qui aurait porté atteinte à son honneur ou qui serait contraire à la réalité, vu que lesdits  propos n’ont pas fait référence à l’association plaignante, et que l’affaire objet desdites déclarations est toujours en instance devant la justice, ce qui rend sa demande de mise au point sans fondement légal.

 

PAR CES MOTIFS:

 En la forme :

Déclare que la plainte déposée par « l’Association Marocaine des Droits Humains -AMDH » en date du 20 février 2008, est recevable en la forme.

 

Au fond :

1-     Déclare que la diffusion, par la SNRT, de la déclaration du Ministre de l’Intérieur lors de la conférence de presse objet de la plainte, relève de ses engagements juridiques, tels qu’édictés par les textes législatifs et règlementaires relatifs à la communication audiovisuelle actuellement en vigueur ;

2-     Déclare que la SNRT n’est pas responsable légalement des contenus de la déclaration que le Ministre de l’Intérieur a faite lors de la conférence de presse objet de la plainte ;

3-     Ordonne la notification de la présente décision à l’AMDH et à la SNRT, ainsi que sa publication au Bulletin Officiel.

 

Délibérée par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle, lors de sa séance du 22 joumada I 1429 (28 mai 2008), tenue au siège de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle à Rabat, où siégeaient Monsieur Ahmed Ghazali, Président, Messieurs Mohammed Noureddine Affaya, El Hassane Bouquentar, Ilyass El Omary, Salah-Eddine El Ouadie et Abdelmounïm Kamal, Conseillers.

 

 

Pour le Conseil Supérieur

de la Communication Audiovisuelle,

 Le Président

Ahmed GHAZALI


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