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Décision du CSCA n° 41-08

24 sep 2008

Décision du CSCA n° 41-08  Du 23 ramadan 1429 (24 septembre 2008)

Relative à la demande de réponse ou de mise au point par messieurs mustapha El mouatassim

 et mohamed el marouani

 

 

 

Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle ;

 

Après avoir pris connaissance de la requête introduite, en date du 03 juillet 2008, par Maître Abdelaziz Ennouidi, avocat au barreau de Rabat, au nom de Messieurs Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani, pour solliciter la diffusion d’une réponse ou d’une mise au point au sujet de la couverture médiatique de la SNRT et de la SOREAD-2M se rapportant à ses clients dans le cadre de l’affaire dite « Réseau Belliraj » ;

 

Vu le Dahir n° 1.02.212 du 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, tel que modifié et complété, notamment son préambule et ses articles 3 (alinéas 8, 11 et 16), 5, 11 et 12 ;

 

Vu la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée par le Dahir n° 1.04.257 du 25 kaâda 1425 (7 janvier 2005), notamment ses articles 8, 10, 48 et 53 ;

 

Vu le cahier des charges de la SNRT, tel que approuvé par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle (CSCA) par décision n° 01-06, en date du 03 Hijja 1426 (04 janvier 2006), notamment son préambule (alinéas 10, 13 et 16), ses articles 21 (alinéas 2 et 3), 123-1 (alinéas 1 et 2), 125-1 (alinéas 1, 2 et 3) et 140 ;

 

Vu le cahier des charges de la SOREAD-2M, tel que approuvé par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle (CSCA) par décision n° 14-05, en date du 20 joumada II 1426 (27 juillet 2005), notamment son préambule (alinéas 8, 11 et 14), ses articles 4 (alinéa 2), 28 (alinéas 1 et 2), 30-1 (alinéas 1, 2 et 3) et 45 ;

 

Après avoir pris connaissance des documents relatifs à l’instruction effectuée par les services de la Direction Générale de la communication audiovisuelle ;

 

ET APRES EN AVOIR DELIBERE :

 

Attendu que le demandeur expose, dans son requête, que la SNRT et la SOREAD-2M ont, à partir du 20 février 2008 jusqu’à la fin du même mois, porté atteinte aux droits de ses clients à travers la couverture médiatique de l’affaire dite « Réseau Belliraj » ;

 

Attendu que la requête considère que les deux chaînes n’ont pas cherché à « rapporter un point de vue différent, notamment celui de la défense des personnes nommément désignées dans la couverture médiatique, afin de permettre à l’opinion publique de prendre connaissance d’une version pluraliste et équilibrée à même de respecter le pluralisme, l’honnêteté et l’objectivité », et d’ajouter que « la couverture a porté atteinte aux principes de la présomption d’innocence, aux droits et à la dignité des personnes privées de leur liberté, dans le cadre de procédures judiciaires à leur début et couvertes par la confidentialité de l’instruction», aussi cette couverture a-t-elle « lésé à la fois leurs familles et leurs organisations politiques, offensé l’intelligence des citoyens, abusé de leur confiance et bafoué leur droit à une information honnête et impartiale » ;

 

Attendu que la requête considère que la couverture a « porté atteinte à des personnes physiques qui sont ses clients et demandeurs, Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani », et par conséquent « à leurs familles, épouses et enfants », ainsi qu’à « leurs organisations politiques qui sont des personnes morales » ;

Attendu que la requête « se limite à demander la confirmation que la couverture des deux chaînes, non équilibrée et ne respectant pas la loi et les différentes sources d’engagement, a porté atteinte, à des étapes précédant les décisions administratives et judiciaires, à des personnes morales (Partis Al Badil et Al Oumma), en plus des personnes physiques » ;

 

Attendu que la requête vise à (1) « la déclarer recevable, car elle remplit les conditions de recevabilité juridique », à (2) « déclarer que les deux chaînes publiques objet de la plainte ont enfreint leurs obligations, telles que prescrites par les lois et par leurs cahiers des charges, ainsi que celles découlant des recommandations du Conseil Supérieur en la matière », à (3) « ordonner aux deux chaînes de permettre à la défense de ces personnes d’apporter une réponse ou une mise au point affirmant le principe de la présomption d’innocence, la nécessité de garantir un procès équitable, le respect par les médias de la neutralité et de l’honnêteté, le respect de la déontologie de la presse, notamment dans le cadre de la recommandation du Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle relative à la couverture des procédures judiciaires » et à (4) « prendre en compte, lors de la définition du contenu et des modalités de diffusion qui lui revient, les exigences de réparation du préjudice subi par ses clients, en proportion avec la couverture faite précédemment par les deux chaînes, notamment la diffusion  dans un délai proche et le fait d’accorder à la défense un temps d’antenne adéquat  et à répétition (même en gardant le même contenu), de manière à pouvoir contribuer, tant soit peu, à la réparation » ;

 

Attendu que la Haute Autorité de la communication audiovisuelle a saisi la SNRT au sujet de la plainte, via deux lettres datées du 07 août 2008 et du 04 septembre 2008, et  lui a demandé son avis et ses observations et qu’elle a reçu la réponse de la Société le 10 septembre 2008 dans laquelle elle affirme « qu’elle n’a fait que diffuser les communiqués officiels du Ministère de l’Intérieur à propos de l’affaire Belliraj et ce, dans le cadre de sa mission de service public définie par l’article 48 (paragraphe 2) de la loi 77.03 relative à la communication audiovisuelle » ;

 

Attendu que la Haute Autorité de la communication audiovisuelle a saisi la SOREAD-2M au sujet de la plainte, via deux lettres datées du 07 août 2008 et du 04 septembre 2008, et lui a demandé son avis et ses observations et qu’elle a reçu la réponse de la Société le 16 septembre 2008 dans laquelle elle affirme « l’impossibilité de présenter les avis des accusés vu qu’ils étaient en état d’arrestation pour les besoins de l’enquête » et qu’elle a « assuré, lors de son journal d’information de 21 heures du 17 mars 2008 et dans le cadre du suivi du début du procès, la couverture de la conférence de presse organisée par la défense des six personnalités politiques accusées dans le cadre de l’affaire Belliraj, sachant qu’auparavant il n’ y avait pas de défense propre aux concernés qui pourrait faire part à la chaîne de ses positions par rapport à l’affaire » ;

 

EN LA FORME :

Attendu que l’article 5 du Dahir n°1-02-212 portant création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle dispose que « Le conseil supérieur de la communication audiovisuelle peut imposer aux entreprises de communication audiovisuelle la publication de mise au point ou de réponse à la demande de toute personne ayant subi un préjudice, à la suite de la diffusion d'une information portant atteinte à son honneur ou qui est manifestement contraire à la vérité. Le conseil supérieur fixe le contenu et les modalités desdites publications et en assortit le non-respect, le cas échéant, d'une astreinte dont il fixe le montant et dont le recouvrement est effectué par le directeur général de la communication audiovisuelle comme en matière de recouvrement des créances publiques de l'Etat » ;

 

Attendu que l’article 10 de la loi 77.03 relative à la communication audiovisuelle stipule que « les opérateurs de communication audiovisuelle sont tenus de diffuser (…) sur demande de la Haute Autorité, un démenti ou une réponse demandée par toute personne ayant subi un préjudice à la suite de la diffusion d’une information la concernant qui porte atteinte à sa dignité ou est susceptible d’être mensongère »;

 

Attendu que la demande (1) vise à bénéficier d’un droit de réponse ou de mise au point au sujet de la couverture médiatique de la SNRT et de la SOREAD-2M se rapportant aux clients de Maître Abdelaziz Ennouidi, elle est recevable en la forme.

 

AU FOND :

Attendu que, au sujet de la première partie de la deuxième demande (2) concernant le respect du pluralisme de l’information, le visionnage de la couverture médiatique objet de la requête révèle que les deux chaînes ont rapporté dans leur couverture médiatique la version officielle, telle que exposée dans les communiqués du Ministère de l’Intérieur et de la conférence de presse que ce dernier a organisé à propos de cette affaire, et que les commentaires accompagnant l’information ont repris les expressions et le style utilisés par les communiqués, les déclarations et les bulletins des sources officielles ;

Attendu que le visionnage de la couverture médiatique objet de la requête démontre que la SNRT n’a pas rapporté les différents points de vue et s’est limitée à une seule opinion, ce qui constitue un manquement à ses obligations, telles que prescrites par la loi relative à la communication audiovisuelle et par son cahier des charges, vu qu’elle n’a pas fourni au téléspectateur une information pluraliste à même de l’aider à forger objectivement ses opinions, il s’ensuit que la demande tendant à considérer que la SNRT a manqué à ses obligations, telles que prescrites par les lois et son cahier des charges est justifiée eu égard à l’obligation de respect du pluralisme de l’information ;

Attendu que, selon le visionnage de la couverture médiatique objet de la demande, la SOREAD-2M a rapporté différents points de vue à travers la couverture de la conférence de presse organisée par les avocats de la défense des accusés, lors des journaux d’information en Arabe et en Français du 17 mars 2008 où la parole a été donnée aux avocats afin de s’exprimer sur le contenu des déclarations officielles au sujet de l’affaire ; ce faisant, 2M a respecté le pluralisme dans l’information du public sur l’affaire objet de la requête et en conséquence, la demande des plaignants y afférente n’est pas fondée ;

Attendu que, au sujet de la deuxième partie de la deuxième demande (2) relative au respect de la dignité humaine, de la présomption d’innocence et de la confidentialité de l’enquête, les sociétés nationales de communication audiovisuelle sont tenues, en vertu de la loi relative à la communication audiovisuelle et de leurs cahiers des charges, non seulement de diffuser les communiqués, les discours et les messages gouvernementaux officiels, sans aucune possibilité d’intervenir sur leur contenu, mais aussi de les diffuser fidèlement à tout moment ; les responsables gouvernementaux sont seuls responsables du contenu de leurs propos et les sociétés nationales de communication audiovisuelle, en vertu de leurs engagements juridiques, ne disposent pas de la possibilité de les modifier, ce qui a été confirmé par le CSCA dans sa décision 19-08 datée du 22 joumada I 1429 (28 mai 2008) concernant la plainte de l’Association Marocaine des Droits Humains à l’encontre de la SNRT  ;

Attendu que les différentes couvertures médiatiques consacrées à ce sujet démontrent que les sociétés nationales de communication audiovisuelles se sont tenues, en ce qui concerne Messieurs Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani, à relayer les contenus des communiqués gouvernementaux et des déclarations officielles, considérés par la requête comme ne respectant pas la dignité  humaine, la présomption d’innocence et la confidentialité de l’enquête, il s’ensuit que les chaînes publiques n’ont commis aucune infraction de la loi vu qu’elles ne sont pas responsables des contenus des communiqués, des discours et des messages officiels qu’ils ne font que les relayer (contenus) ou les citer ou les reprendre sans y intervenir ou même les commenter ;  ce qui mène à considérer non fondée l’allégation selon laquelle les deux chaînes publiques « Al Oula » et « 2M » n’auraient pas respecté la dignité  humaine, la présomption d’innocence et la confidentialité de l’enquête ;

Attendu que, au sujet des troisième et quatrième demandes (3) et (4) relatives à la publication d’une mise au point ou d’une réponse au profit des plaignants, l’article 5 du dahir portant création de la Haute Autorité assortit la publication de mise au point ou de réponse de deux conditions essentielles, la première est que le demandeur ait subi un préjudice (atteinte à son honneur) ou que l’information soit manifestement contraire à la vérité, la deuxième est l’existence d’une causalité entre l’atteinte à l’honneur ou la non véracité et l’information diffusée ;

Attendu que la couverture médiatique objet de la demande ne pourrait être considérée comme comportant une atteinte à l’honneur des plaignants ou contraire à la vérité, vu que son contenu se réfère à des accusations officielles provenant d’institutions sécuritaires auxquelles la loi attribue la mission d’enquêter sur les actes criminels et qui en assument la responsabilité et non à de simples rumeurs ou allégations rapportées par les deux chaînes sur leur propre initiative et en dehors de tout cadre légal ;       

Attendu que, sur la base de ce qui précède, le non respect du pluralisme d’opinions  reste la source du manquement commis par la SNRT, en ce qu’elle aurait dû, parallèlement aux accusations officielles, rapporter d’autres points de vue pour garantir l’objectivité et la neutralité de l’information et permettre au public de forger ses convictions en toute liberté ;

Attendu que, sur la base de ce qui a été démontré, il convient de rejeter comme légalement non fondées la troisième et la quatrième demandes.

 

PAR CES MOTIFS,

En la forme :

Déclare que la requête introduite par Maître Abdelaziz Ennouidi, au nom de Messieurs Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani, est recevable en la forme.

 

Au fond :

1-      Déclare que la SOREAD-2M a respecté le principe de pluralisme dans sa couverture médiatique de l’affaire dite « Réseau Belliraj », en ce qui concerne Messieurs Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani ;

2-      Déclare que la SNRT n’a pas respecté le principe de pluralisme dans sa couverture médiatique de l’affaire dite « Réseau Belliraj », en ce qui concerne Messieurs Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani ;

3-      Décide d’adresser une mise en demeure à la SNRT pour manquement à ses obligations relatives à la garantie du pluralisme, telle qu’édictée dans la loi et dans son cahier des charges ;

4-      Décide de rejeter la demande de la publication d’une réponse ou d’une mise au point mettant en cause la couverture médiatique faite par la SNRT et la SOREAD-2M à l’affaire dite « Réseau Belliraj », en ce qui concerne Messieurs Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani, comme portant atteinte à la dignité humaine, à la présomption d’innocence et aux règles relatives à la couverture des procédures judiciaires ;

5-      Ordonne la notification de la présente décision à l’avocat de Messieurs Mustapha El Mouâtassim et Mohamed El Marouani, à la SNRT et à la SOREAD-2M, ainsi que sa publication au Bulletin officiel.

 

Délibérée par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle dans sa séance du 23 ramadan 1429 (24 septembre 2008) , tenue au siège de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle à Rabat, en présence de Monsieur Ahmed Ghazali, Président, Madame Naïma El Mcherqui et Messieurs Mohammed Naciri, Mohammed Affaya, El Hassan Bouqentar, Ilyas El Omari et Abdelmounïm Kamal,  Conseillers.

 

 

 Pour le Conseil Supérieur

de la Communication Audiovisuelle 

 Ahmed Ghazali

Le Président


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