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Décision du CSCA n° 18-09

06 mai 2009

DÉCISION DU CSCA N° 18-09 DU 10 joumada I 1430 (06 mai 2009)

 RELATIVE AUX PLAINTES DE « LA FÉDÉRATION DÉMOCRATIQUE DU TRAVAIL – L’UNION SYNDICALE

DES FONCTIONNAIRES – L’UNION NATIONAL DU TRAVAIL AU MAROC – L’ORGANISATION DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL »

ET DU SYNDICAT NATIONAL DE L’ENSEIGNEMENT CONTRE LA SNRT ET SOREAD-2M

 

 

Le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle,

 

Après avoir pris connaissance de la plainte déposée auprès de la Haute Autorité, en date du 18 février 2009, par le Syndicat National de l’Enseignement - SNE relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT ;

 

Après avoir pris connaissance de la plainte déposée auprès de la Haute Autorité, en date du 20 février 2009, par la  Fédération Démocratique du Travail - FDT, l’Union Syndicale des Fonctionnaires- USF, L’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM et l’Organisation Démocratique du Travail- ODT ;

 

Vu le dahir n° 1.02.212 du 22 joumada II 1423 (31 août 2002) portant création de la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, notamment son préambule et ses articles 3 (alinéas 8), 4, 11 et 12 ;

 

Vu la loi n° 77-03 relative à la communication audiovisuelle, promulguée par le Dahir n° 1.04.257 du 25 kaâda 1425 (7 janvier 2005), notamment son préambule et ses articles 3, 4, 8 et 53 ;

 

Vu le cahier de charges de la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision_ SNRT, tel que approuvé par le Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle par décision n° 01-06 en date du 03 hija 1426 (04 janvier 2006), notamment son préambule (alinéa 9) et ses articles 21 (alinéas 2 et 4) et 140 ;

  

Vu le cahier de charges de la SOREAD-2M, tel que approuvé par le Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle par décision n°14-05 en date du 20 joumada II 1426 (27 juillet 2005), notamment son préambule et son article 4 ;

 

Vu la décision du Conseil Supérieur de la communication audiovisuelle n° 46-06 en date du 04 ramadan 1427 (27 septembre 2006) édictant les règles de la garantie du pluralisme d’expression des courants de pensée et d’opinion dans les services de communication audiovisuelle en dehors des périodes électorales, notamment son préambule et son article 3 ;

 

Après avoir pris connaissance des deux réponses de la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision- SNRT, datées du 14 avril 2009, concernant ces mêmes plaintes ;

 

Après avoir pris connaissance des réponses de la SOREAD-2M, respectivement, en date du 16 mars 2009 et du 16 avril 2009, concernant lesdites plaintes ;

 

Après avoir pris connaissance des documents relatifs à l’instruction effectuée par les services de la Direction Générale de la communication audiovisuelle;

 

ET APRES EN AVOIR DELIBERE :

 

Attendu que la Haute Autorité a reçu en date du 18 février 2009 une plainte émanant du Syndicat National de l’Enseignement- SNE relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT, et d’une seconde plainte en date du 20 février 2009 émanant de la  Fédération Démocratique du Travail- FDT, l’Union Syndicale des Fonctionnaires- USF, L’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM et l’Organisation Démocratique du Travail- ODT ;

 

Attendu que le Syndicat National de l’Enseignement- SNE fait grief de ce qu’il a considéré être un « black-out médiatique pratiqué par Al Oula et 2M lors de la couverture de la grève nationale du secteur de l’enseignement à laquelle elle a fait appel et ce, pour la période s’étalant du 10 au 11 février 2009», et demande à la Haute Autorité de corriger cet agissement ;

 

Attendu que la  Fédération Démocratique du Travail- FDT, l’Union Syndicale des Fonctionnaires- USF, L’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM et l’Organisation Démocratique du Travail- ODT font grief aux deux chaînes télévisuelles Al Oula et 2M de ce qu’elles considèrent être une « privation injustifiée » de leur droit à l’accès à l’audiovisuel public, notamment, lors de la couverture de la grève nationale du 10 février 2009, et réclament « de bénéficier de leur plein droit dans l’accès aux services de la communication audiovisuelle sans aucune discrimination », d’autre part elles requièrent « de se conformer rigoureusement à l’application des lois encadrant le secteur audiovisuel, ce qui permettra de garantir le principe de l’équité d’accès à l’ensemble des acteurs au sein de la société » ;

 

Attendu que dans sa réponse, relative à la plainte du Syndicat National de l’Enseignement- SNE relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT, adressée à la Haute Autorité en date du 14 avril 2009, la Société Nationale de radiodiffusion et de télévision- SNRT estime qu’il lui a été impossible de couvrir l’ensemble des secteurs en grève, d’autant plus que ladite grève a concerné différents secteurs, notamment, la santé, les collectivités locales … etc.,  et que de ce fait, il a été procédé à la diffusion d’un reportage de portée générale sur la grève nationale comportant des images d’un sit-in organisé par les enseignants de la ville de Casablanca, et ce durant l’édition principale du journal télévisé du 10 février 2009 ;

 

Attendu que dans sa réponse, relative à la plainte de la  Fédération Démocratique du Travail- FDT, l’Union Syndicale des Fonctionnaires- USF, L’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM et l’Organisation Démocratique du Travail- ODT, adressée à la Haute Autorité en date du 14 avril 2009, la Société Nationale de radiodiffusion et de télévision- SNRT estime qu’elle a couvert environ 54 activités syndicales, dont 21 des quatre syndicats plaignants (09 couvertures pour la Fédération Démocratique du Travail- FDT, 07 couvertures en faveur de L’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM, 03 couvertures pour L’Union Marocaine du Travail- UMT et 02 couvertures en faveur de l’Organisation Démocratique du Travail- ODT). De ce fait, la SNRT considère que ces chiffres, d’une part, confirment le respect des engagements de Al Oula relativement à la couverture des activités syndicales et, d’autre part, battent en brèche les allégations des quatre syndicats concernant leur privation du droit à l’accès à l’audiovisuel public. Par ailleurs, la SNRT considère qu’il ne peut lui être tenu rigueur de la non couverture d’une activité donnée, mais de la manière de traitement des activités desdits syndicats par la chaîne durant une période donnée qui a été fixée par la Haute Autorité à trois (03) mois.  En ce qui concerne l’événement de la grève nationale, la SNRT a considéré qu’elle a diffusé deux reportages et une couverture du sit-in organisé par les organisations syndicales devant le Ministère de la Modernisation du Secteur Public lors des éditions des journaux d’information du 10 février 2009 ;

 

Attendu que dans sa réponse relative à la plainte du Syndicat National de l’Enseignement- SNE relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT, adressée à la Haute Autorité en date du 16 mars 2009, SOREAD-2M  estime qu’elle a « couvert, en date du 10 février 2009, la grève nationale dans le secteur de la fonction publique et celui des collectivités locales ayant connue la participation de plusieurs organisations syndicales, et a diffusé ladite couverture lors de différentes éditions du journal télévisé du même jour, notamment celle de 13h. Monsieur Mustapha CHENAOUI, Secrétaire Général du Syndicat National de la Santé- SNE relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT a bénéficié d’un sonore dans lequel il a exprimé le point de vue dudit syndicat par rapport à ladite grève » ;

 

Attendu que dans sa réponse, relative à la plainte de la  Fédération Démocratique du Travail- FDT, l’Union Syndicale des Fonctionnaires- USF, L’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM et l’Organisation Démocratique du Travail- ODT, adressée à la Haute Autorité en date du 16 avril 2009, SOREAD-2M affirme avoir couvert, en date du 10 février 2009, la grève nationale en y consacrant deux reportages, le premier dédié au secteur de la santé et le second au secteur de l’enseignement et ce, durant les différentes éditions du journal télévisé du même jour. Dans le même sens, SOREAD-2M estime avoir respecté le pluralisme, puisqu’en plus de l’intervention du Ministre Mohamed ABBOU il y a eu, également, les interventions de Messieurs Abdelaziz IOUI de la  Fédération Démocratique du Travail- FDT, Mohamed YATIM  de l’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM, Ali LOUTFI de l’Organisation Démocratique du Travail- ODT, Mohamed KHOUFAYEF de l’Union Marocaine du Travail- UMT et Mustapha CHENAOUI, Secrétaire Général du Syndicat National de la Santé qui relève de la Confédération Démocratique du Travail- CDT. Par ailleurs, SOREAD-2M a précisé que le gouvernement a bénéficié de 5 interventions ayant duré trois (03) minutes et vingt sept (27) secondes. Quant aux différentes organisations syndicales, elles ont bénéficié de dix (10) interventions de quatre (04) minutes au total. De plus, l’émission « TAYARATE » du 10 février 2009 comportait une intervention de douze (12) minutes de Monsieur Mohamed YATIM, Secrétaire Général de l’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM, et ce sans comptabiliser la rediffusion ;

 

Attendu que, il a été procédé à la fonte des deux plaintes étant donné que, d’une part, elles ont trait au même événement ; la grève nationale et d’autre part, elles sont  formulées contre les sociétés nationales de l’audiovisuel public. De plus, le contenu desdites plaintes se limite à la revendication d’équité vu que les organisations syndicales considèrent qu’elles n’ont pas bénéficié, lors de la grève nationale, du traitement équitable requis par les règles du pluralisme ;

 

Attendu que, après l’étude des deux plaintes, il s’est avéré que les quatre (04) organisations syndicales et le Syndicat National de l’Enseignement- SNE se plaignent, essentiellement, du non respect des règlementations en vigueur durant la couverture de la grève nationale. C’est ce qui a été qualifié par le Syndicat National de l’Enseignement- SNE d’un « black-out médiatique pratiqué par les deux chaînes nationales de l’audiovisuel public concernant la couverture de la grève nationale du secteur de l’enseignement à laquelle elle a fait appel le 10 et 11 février 2009 ». Par ailleurs, les organisations syndicales ont estimé qu’ « à l’occasion de la grève nationale du 10 février 2009, Al Oula et 2M les ont privées, pour des raisons inconnues, de leur droit d’accès à l’audiovisuel public ... alors qu’elles ont ouvert les portes...à quelques membres du gouvernement... ». De ce fait, l’essentiel des griefs avancés par les organisations syndicales ne concerne pas, en général, leur accès aux services radiophoniques et télévisuels publics, mais se limite à l’événement de la grève nationale de février 2009. Par conséquent, les chiffres relatifs à la couverture des activités des organisations syndicales durant le premier trimestre de l’année en cours avancés par la SNRT , ne répondent pas aux griefs des plaignants, d’autant plus que l’article 3 de la décision du Conseil Supérieur  de la communication audiovisuelle n° 46-06 du 04 Ramadan 1427 (27 septembre 2006), relative aux règles de la garantie du pluralisme d’expression des courants de pensée et d’opinion dans les services de communication audiovisuelle en dehors des périodes électorales, exige la nécessité de donner aux organisation syndicales des durées de diffusion et des prises de paroles qui leur permettent  «tout en tenant compte des horaires de diffusion et du genre de chaque programme, particulièrement pour les journaux et les magazines d’information, les émissions débats et les émissions d’expression directe, …, d’une part, de bénéficier d’une couverture convenable de leurs activités principales et, d’autre part, d’exprimer leurs opinions et leurs positions vis-à-vis de l’actualité et des questions d’intérêt public ». Or, il est communément admis que la grève générale est l’un des principaux moyens de contestation de l’action syndicale. Les syndicats y ont recours par intermittence, ce qui en fait un événement exceptionnel, nécessitant ainsi, de la part des chaînes nationales de l’audiovisuel public, un traitement particulier étant donné que c’est un événement d’actualité est une question d’intérêt public ;

 

Attendu que, le respect des engagements de la Société Nationale de radiodiffusion et de télévision- SNRT concernant les règles du pluralisme vis-à-vis des organisations syndicales, en se basant sur les chiffres du premiers trimestre 2009, ne la dispense pas de ses engagements relatifs au respect du pluralisme et de l’équité dans la prise de parole, notamment entre le gouvernement et les syndicats, lors de la couverture de la grève nationale de février 2009. En effet, le pluralisme n’est pas, uniquement, un droit des acteurs sociopolitiques vis-à-vis des opérateurs audiovisuels, mais principalement un droit dû au citoyen qui oblige l’opérateur à présenter une information honnête, impartiale et objective respectant son droit d'accès aux différents points de vue se rapportant à un événement d’actualité susceptible de l’intéresser, afin qu’il puisse avoir tous les éléments lui permettant de former ses opinions et convictions propres en toute liberté et objectivité, conformément au préambule de la décision du Conseil Supérieur n° 46-06 précitée ;

 

Attendu que, même si la réponse de la Société Nationale de radiodiffusion et de télévision- SNRT au sujet de la plainte du Syndicat National de l’Enseignement- SNE, relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT, affirmant l’impossibilité de couvrir l’ensemble des activités des organisations syndicales, demeure objective, elle n’est pas en adéquation avec la nature de la couverture de la grève qu’elle a effectuée. Ainsi, il ressort des résultats de l’instruction effectuée par les services techniques de la Direction Générale de la communication audiovisuelle que la SNRT a donné la parole, uniquement, au représentant du Gouvernement sans permettre à aucun des syndicats plaignants ou les autres syndicats ayant participé à ladite grève d’intervenir. Par conséquent, les griefs avancés par le Syndicat National de l’Enseignement- SNE, relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT, à l’encontre de la Société Nationale de radiodiffusion et de télévision- SNRT sont fondés, du fait que la SNRT n’a pas garanti le droit du citoyen à une information honnête, impartiale et objective qui respecte son droit à l’accès aux différents points de vue afin de lui permettre de former ses propres opinions et convictions en toute liberté et objectivité ;

 

Attendu que les résultats de l’instruction effectuée par les services techniques de la Direction Générale de la communication audiovisuelle ont confirmé la réponse de  SOREAD-2M selon laquelle Monsieur Mustapha CHENAOUI, Secrétaire Général du Syndicat National de la Santé relevant de la Confédération Démocratique du Travail- CDT aurait bénéficié d’une intervention à travers laquelle il a exprimé le point de vue du syndicat. En outre, il s’avère impossible, dans la pratique, pour un service télévisuel, de donner la parole à toutes les organisations syndicales nationales relevant des centrales syndicales ayant appelé à la grève. Par conséquent, les griefs avancés par le Syndicat National de l’Enseignement- SNE, à l’encontre de SOREAD-2M sont infondés. Il ne saurait en être tenu rigueur à la SOREAD-2M étant donné qu’elle a respecté les règles du pluralisme ;

 

Attendu que les résultats de l’instruction menée par les services techniques de la Direction Générale de la communication audiovisuelle démontrent que SORED-2M  a permis aux quatre organisations syndicales d’exprimer leurs opinions et leurs positions sur un événement d’actualité et un sujet d’intérêt public. De ce fait, elle a, respecté l’équilibre dans les interventions desdites organisations  syndicales, d’une part, et du gouvernement d’autre part, en assurant une couverture adéquate d’une activité importante, permettant de ce fait au téléspectateur d’avoir une idée sur les différents points de vue en présence par rapport à un évènement susceptible de l’intéresser. Et ce, afin qu’il dispose de l’ensemble des éléments qui lui permettront de se faire sa propre opinion en toute liberté et objectivité. Par conséquent, il ne saurait en être tenu rigueur à la SOREAD-2M vu qu’elle a respecté les règles du pluralisme.  

 

 

PAR CES MOTIFS :

 

En la forme :

Déclare recevable la plainte des organisations syndicales.

 

Au fond :

1) Déclare que la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision- SNRT n’a pas respecté ses engagements relatifs au pluralisme et a enfreint les dispositions de l’article 3 de la décision du CSCA n° 46-06 ;

 

2) Adresse une mise en demeure à la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision- SNRT de respecter ses engagements en matière de respect du pluralisme;

 

3) Ordonne la notification de la présente décision à la  Fédération Démocratique du Travail- FDT, à l’Union Syndicale des Fonctionnaires- USF, à L’Union Nationale du Travail au Maroc- UNTM, à l’Organisation Démocratique du Travail- ODT, au Syndicat National de l’Enseignement- SNE et à la Société Nationale de Radiodiffusion et de Télévision- SNRT et à la Société SOREAD-2M, ainsi que sa publication au Bulletin Officiel.

 

Délibérée par le Conseil Supérieur de la Communication Audiovisuelle, lors de sa séance du 10 joumada I 1430 (06 mai 2009), tenue au siège de la Haute Autorité de la Communication Audiovisuelle à Rabat, où siégeaient Monsieur Ahmed Ghazali, Président, et Messieurs Mohamed Naciri, Salah Eddine El Ouadie, Mohamed Affaya, El Hassane Bouquentar, Abdelmounim Kamal, Conseillers.

 

 

Pour le Conseil Supérieur

de la Communication Audiovisuelle,

Le Président

Ahmed Ghazali


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